La réforme des régimes de protection et l’autonomie des personnes vulnérables

Le 1er novembre dernier, la Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnesLoi 18 ») est entrée en vigueur1. Cette réforme modifie de façon significative les mesures de protection pour les personnes vulnérables. Elle valorise l’autonomie de chaque personne inapte par la prise en compte de ses volontés et préférences et une protection adaptée à sa situation2.

QUI SONT LES PERSONNES VULNÉRABLES TOUCHÉES PAR CETTE RÉFORME?
Lorsqu’on pense aux personnes bénéficiant d’une mesure de protection, que ce soit les régimes de protection publics gérés par le Curateur public, les mandats de protection homologués ou les régimes de protection privés gérés par un proche aidant.e, on a tendance à penser aux aîné.e.s. Or, la réalité en est autrement. Selon le Curateur public, parmi les 33 081 majeur.e.s et les 4 155 mineur.e.s bénéficiant d’une mesure de protection au Québec, seulement 21% de ces personnes souffrent d’une maladie dégénérative qu’on pourrait associer à l’âge plus avancé. En fait, 41% de ces personnes ont une déficience intellectuelle, 30% ont une maladie mentale, 3% ont un traumatisme crânien et 5% sont sous protection pour d’autres raisons. La Loi 18 touchera donc non seulement les aîné.e.s, mais aussi les personnes vulnérables de tout âge3.

QUELLES MODIFICATIONS CETTE RÉFORME APPORTE-T-ELLE?
Alors que le Code civil du Québec comportait trois régimes de protection du majeur.e avant le 1er novembre, le conseiller.ère au majeur.e, la tutelle au majeur.e et la curatelle au majeur.e4, il ne reste désormais que la tutelle puisque la curatelle est abolie5 (et seuls les majeur.e.s. déjà pourvu.e.s d’un conseiller.ère au 1er novembre demeurent sous ce régime comme mesure transitoire6).

Avec l’abolition de la curatelle, les majeur.e.s qui étaient sous curatelle tombent sous tutelle7. Ces personnes peuvent, lorsque la tutelle sera modifiée8, retrouver certains droits civils, comme leur droit de vote9.

Les mises en garde sont renforcées afin de prévenir les abus. Par exemple, le majeur.e sous tutelle peut demander d’être réévalué.e à tout moment10, alors qu’auparavant la réévaluation se faisait soit aux trois ans, aux cinq ans ou « en temps voulu » à la discrétion du curateur, du tuteur.trice ou du conseiller.ère11. De plus, les rapports d’évaluation médicale et psychosociale doivent suivre un modèle gouvernemental afin d’assurer des standards de qualité12.

QUELLES NOUVEAUTÉS LA LOI CRÉE-T-ELLE?
La Loi 18 crée deux nouveaux outils juridiques pour aider les personnes vulnérables sans qu’elles soient sous tutelle : la représentation temporaire et l’assistant.e au majeur.e13.

La représentation temporaire permet au tribunal d’autoriser une personne à accomplir un acte déterminé pour un majeur.e qui a besoin d’être représenté.e temporairement14. La représentation temporaire prend fin lorsque l’acte déterminé est accompli, et le représentant.e avise par écrit le majeur.e et le curateur public15.

La mesure d’assistance permet à un membre de la famille ou à un proche d’aider un majeur.e en difficulté dans la prise de décisions et la gestion de ses biens. La reconnaissance de l’assistant.e au majeur.e est inscrite sur un registre public16. L’assistant.e peut conseiller, agir comme intermédiaire et communiquer avec des tiers, mais il ne peut signer des documents au nom de la personne assistée17. D’ailleurs, pour faire les opérations préalables à la reconnaissance de l’assistant.e au majeur.e, les avocat.e.s doivent suivre des formations sur ce sujet18.

Ayant pour objectif de mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité, la Loi 18 devrait procurer plus de justice sociale pour les personnes inaptes, les personnes en besoin d’assistance et leurs proches. En tenant compte des volontés et préférences des personnes vulnérables et en valorisant leur autonomie, la nouvelle Loi 18 cherche à préserver l’exercice de leurs droits et à prévenir les abus.

  1. Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes, projet de loi no 18, 1ère sess., 42e lég., Québec, 2020 (sanctionné le 3 juin 2020), en ligne : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2020C11F.PDF .
  2. Supra, note 1, art.19; Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991 (ci-après « C.c.Q. »), nouvel art. 257.
  3. Curateur public du Québec, « Résumé du rapport annuel 2020-2021 », en ligne : https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/curateur-public/pdf/rapp_ann/rapp_ann_2020_2021_resum.pdf .
  4. C.c.Q., supra, note 2, anciens art. 256-297.
  5. Supra, note 1, art. 46.
  6. Id., art. 246.
  7. Id., art. 245 al. 1
  8. Id., art. 245 al. 2
  9. Id., art. 155-158, 160-162 et 163-167 ; Loi sur les élections et référendums dans les municipalités, RLRQ, c. E-2.2, nouvel art. 47, 137, 137.2 et 518; Loi sur les élections scolaires visant certains membres des conseils d’administration des centres de services scolaires anglophones, RLRQ, c. E-2.3, nouvel art. 12, 58.8 et 58.10; Loi électorale, RLRQ, c. E-3.3, nouvel art. 1, 40.7.1, 40.10.1, 40.12.15 et 210.
  10. Supra, note 1, art. 42; C.c.Q., supra, note 2, nouvel art. 278 al. 3 in fine.
  11. C.c.Q., supra, note 2, ancien art. 278 al. 1 et 2
  12. Supra, note 1, art. 153 et 247; Loi sur le Curateur public, RLRQ, c. C-81, nouvel art. 68 al. 1 para. 3.1 et 3.2. Voir le site Web du Curateur public : https://www.curateur.gouv.qc.ca/cura/fr/outils/publications/formulaires.html
  13. Supra, note 1, art. 58; C.c.Q., supra, note 2, nouveaux art. 297.1-297.27
  14. Supra, note 1, art. 58; C.c.Q., supra, note 2,, nouvel art. 297.1
  15. Supra, note 1, art. 58; C.c.Q., supra, note 2,, nouvel art. 297.9
  16. Supra, note 1, art. 58; C.c.Q., supra, note 2,, nouvel art. 297.10
  17. Supra, note 1, art. 58; C.c.Q., supra, note 2,, nouvel art. 297.11-297.13
  18. Loi sur le Curateur public, supra, note 12, nouvel art. 68 al. 1 para. 3.4; Règlement sur l’accréditation d’un avocat ou d’un notaire en matière de reconnaissance de l’assistant au majeur, c. C-81, r. 01.