Les indications géographiques en droit québécois

En Europe, il existe une forme de propriété intellectuelle particulièrement développée. Il s’agit des indications géographiques, c’est-à-dire principalement les appellations d’origine protégée (AOP) et les indications géographiques protégées (IGP). 

L’objectif principal de ces indications est de reconnaître le lien entre une région ou une localité donnée et un produit qui en est originaire. Par exemple, ces indications nous permettent notamment de savoir qu’une bouteille avec l’appellation « Champagne » contient exclusivement du vin :

  • originaire d’une aire géographique délimitée dans la région de Champagne, en France,
  • dont les caractéristiques  sont dues essentiellement ou exclusivement au milieu géographique de sa production,
  • dont toutes les étapes de production ont lieu dans l’aire géographique délimitée en Champagne, incluant la cueillette des raisins1.

C’est également le cas pour d’autres AOP d’Europe comme le pineau des Charentes, le roquefort ou encore le bleu d’Auvergne.

Mais savez-vous que le Québec a ses propres indications géographiques? Faisons un survol de cette réalité juridique malheureusement trop peu connue au Québec.

APPELLATIONS RÉSERVÉES AU QUÉBEC
Sanctionnée en 2006, la Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants établit le régime québécois actuel2. Elle vise, comme l’indique la loi, « à protéger l’authenticité de produits et de désignations qui les mettent en valeur au moyen d’une certification acquise à l’égard de leur origine ou de leurs caractéristiques particulières liées à une méthode de production ou à une spécificité »3.

Une appellation réservée est une reconnaissance officielle par l’État québécois de l’authenticité de produits bioalimentaires distinctifs4.

La loi établit trois catégories d’appellations réservées au Québec, soit :

  • celles relatives au mode de production5. Nous pouvons par exemple penser au mode biologique6.
  • celles relatives au lien avec un terroir7. Ces appellations visent à reconnaître un lien entre une région ou une localité et un produit qui en est originaire8.
  • celles relatives à une spécificité9. Ces produits doivent avoir une caractéristique spécifique, traditionnelle ou non, et peuvent être élaborés dans toutes les régions du Québec10.

Parmi ces trois catégories, les appellations relatives au lien avec un terroir sont l’équivalent des indications géographiques en droit québécois.

LES APPELLATIONS RÉSERVÉES EN LIEN AVEC UN TERROIR
La législation québécoise établit deux formes d’appellations réservées en lien avec un terroir et s’inspire du modèle européen11. Ces deux formes sont :

  • l’appellation d’origine (AO) : la qualité ou les caractéristiques du produit doivent être dus exclusivement ou essentiellement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains. De plus, l’ensemble des opérations de production et de transformation du produit est fait dans une aire géographique délimitée12.
  • L’indication géographique protégée (IGP) : le produit possède une qualité déterminée, une réputation ou une autre caractéristique attribuable à son origine géographique. De plus, seules les étapes d’élaboration du produit qui lui donnent ses caractéristiques doivent nécessairement être localisées dans l’aire géographique de l’appellation13.

En date de rédaction de cet article, le Québec a reconnu cinq différentes IGP, soit :

 

LE CONSEIL DES APPELLATIONS RÉSERVÉES ET DES TERMES VALORISANTS

La Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants a également créé le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (le « Conseil »), un organisme public et une personne morale14 qui vise à superviser le respect de la loi.

Pour ce faire, le Conseil a notamment comme mission :

  • d’accréditer des organismes de certification aptes à certifier des produits d’appellation et de vérifier leur fonctionnement;
  • de conseiller le ministre sur la reconnaissance d’appellations réservées;
  • de tenir des consultations en lien avec la reconnaissance d’une appellation ou l’autorisation d’un terme valorisant; et
  • de surveiller l’utilisation des appellations réservées reconnues et des termes valorisants autorisés.15

Comme le Conseil émet des recommendations au ministre sur la reconnaissance d’appellations réservées, il reçoit également les demandes des organismes qui souhaitent voir reconnaître une AO ou une IGP16. Par exemple, c’est par ce processus que le homard gaspésien pourrait un jour devenir une IGP17.

QUEL EST L’AVENIR DES INDICATIONS GÉOGRAPHIQUE?
Le droit est en constante mutation, particulièrement avec les accords de libre-échange qui se multiplient ces dernières années. Par ailleurs, l’Accord économique et commercial global entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part18 a exigé des modifications législatives du côté fédéral en lien avec les indications juridiques19.

En plus de l’intégration économique des pays par l’effacement des barrières tarifaires et non tarifaires et de l’internationalisation des décisions, il y a aussi une volonté de protéger ainsi que d’encourager des industries locales et des produits locaux. Comment ces facteurs forgeront la réalité juridique québécoise en lien avec les indications géographiques dans les années à venir reste à voir. Cela étant dit, il serait peut-être judicieux pour le gouvernement du Québec d’encourager nos produits locaux uniques et notre savoir-faire québécois face à un marché mondial de plus en plus compétitif.

  1. CE, Règlement (UE) 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, [2012] JO, L 343/1, art 5, al 1.
  2. RLRQ c A-20.03.
  3. Ibid, art 1.
  4. Conseil des appellations réservées et des termes valorisants, « Qu’est-ce qu’une appellation réservée? » en ligne : https://cartv.gouv.qc.ca/outils-et-ressources/information-au-public-et-aux-entreprises/quest-ce-quune-appellation-reservee/.
  5. Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants, supra note 2, art 3, 1°.
  6. Ibid, art 3, 1°.
  7. Ibid, art 3, 2°.
  8. « Qu’est-ce qu’une appellation réservée? », supra note 4.
  9. Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants, supra note 2, art 3, 3°.
  10. « Qu’est-ce qu’une appellation réservée? » supra note 4.
  11. Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants, supra note 2, art 3, 2°; Marie-Pierre Verdon-Ricard, « Le développement des produits différenciés comme élément d’une nouvelle politique agricole du Québec : l’apport de la Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants » (2009) 68 R du B 449 aux pp 462 et 524, en ligne : https://edoctrine.caij.qc.ca/revue-du-barreau/68/249672584.
  12. Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants, supra note 2, art 3, 2°; Règlement sur les appellations réservées, RLRQ c A-20.03, r 2, art 1, al 1, para 2°, b).
  13. Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants, supra note 2, art 3, 2°; Règlement sur les appellations réservées, supra note 12, art 1, al 1, para 2°, a).
  14. Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants, supra note 2, art 7.
  15. Ibid, art 9.
  16. Loi sur les appellations réservées et les termes valorisants, supra note 2, arts 49-52.
  17. Voir Joane Bérubé « Vers une appellation protégée pour le homard gaspésien » en ligne : Radio-Canada https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1787059/homard-depart-peche-gaspesie-igp-appellation.
  18. https://treaty-accord.gc.ca/details.aspx?lang=fra&id=105208&t=637753545806386047
  19. Loi de mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, LC 2017, c 6, arts 60 et ss.

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