Une nouvelle plateforme pour la déclaration des activités de lobbyisme au Québec

Au 13 octobre 2022, une nouvelle plateforme de déclaration des activités de lobbyisme au Québec sera déployée en vue de permettre un suivi plus clair et transparent des communications d’influence auprès des élu.e.s et autres représentant.e.s d’entités publiques1.

1. APERÇU DU DROIT QUÉBÉCOIS DU LOBBYISME
Au Québec, depuis 2002, toute communication orale ou écrite faite auprès d’un.e titulaire d’une charge publique en vue d’influencer une décision à caractère législatif, règlementaire ou administratif est définie comme étant du lobbyisme et doit être publiquement déclarée à travers d’un registre public des lobbyistes, le tout tel qu’encadré par la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme2 (la « Loi »).

Au surplus, les personnes qui mènent ces activités ont l’obligation de respecter le Code de déontologie des lobbyistes3, prévoyant des normes de conduite devant régir et guider leurs relations avec les décideurs publics.

1.1. Qui sont les représentant.e.s public.que.s visé.e.s?
Le régime québécois couvre les différents paliers parlementaires, gouvernementaux et municipaux au sein d’une même législation. Sont ainsi considéré.e.s comme titulaires d’une charge publique les député.e.s et les ministres ainsi que les membres de leur personnel, de même que les employé.e.s du Gouvernement et des organismes gouvernementaux, les maire.resse.s et préfet.e.s, les conseiller.e.s municipaux.municipales, le personnel de cabinet, les employé.e.s des municipalités, et les employé.e.s des organismes municipaux et supra-municipaux. Les dirigeant.e.s et employé.e.s de la plupart des établissements de santé et de services sociaux du Québec sont également visé.e.s4.

1.2. Qui se qualifie de lobbyiste?

L’article 3 de la Loi distingue différents types de lobbyistes :

  • les « lobbyistes-conseils » salarié.e.s ou non, exerçant en tout ou en partie des activités de lobbyisme pour le compte d’autrui moyennant contrepartie,
  • Les « lobbyistes d’entreprise » exerçant des activités de lobbyisme pour le compte de l’entreprise dans laquelle ils.elles sont employé.e.s, et
  • les « lobbyiste d’organisation » dont l’emploi ou la fonction consiste, pour une partie importante, à exercer des activités de lobbyisme pour le compte d’une association ou d’un autre groupement à but non lucratif.

Sont notamment exclu.e.s de cette définition les représentant.e.s de certaines organisations à but non lucratif5, les titulaires de charge publique agissant dans le cadre de leurs fonctions6 et les représentant.e.s de gouvernements étrangers, des Nations Unies et autres organisations7.

1.3. Quelles informations les lobbyistes doivent-ils déclarer et à quelle fréquence?
Les lobbyistes doivent déclarer sur le registre des lobbyistes (le « Registre »)8, entre autres, leurs coordonnées professionnelles ainsi que celles de leurs clients, l’objet et la durée du mandat couvert par leurs activités de lobbyisme en précisant le type de décision visée. Doivent également être précisés les titulaires de charges publiques visé.e.s par les activités, les moyens de communication utilisés ainsi que le montant anticipé de la contrepartie perçue, le cas échéant. Les délais maximaux d’inscription au Registre varient, selon les cas, entre 30 et 60 jours suivant la première communication liée à l’activité de lobbyisme.

1.4. Quelle sanction en cas de défaut de déclaration?
Des amendes de 500$ à 25 000$ peuvent être imposées notamment en cas d’omission de déclarations à l’égard des lobbyistes ou en cas d’avis contenant un renseignement faux ou trompeur9.

Des mesures disciplinaires sont également possibles en cas de manquement grave ou répété. Le Commissaire au lobbyisme peut, par exemple, interdire la pratique d’activités de lobbyisme pendant une période pouvant atteindre 12 mois10.

Également, le Procureur général peut réclamer au lobbyiste, solidairement avec son entreprise ou groupement, la valeur de la contrepartie reçue ou payable en raison des activités ayant donné lieu au manquement111.

2. REFONTE DU REGISTRE
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi, c’est l’officier de la publicité des droits personnels et réels mobiliers, relevant du ministère de la Justice, qui est chargé de la tenue du Registre à titre de conservateur.

Or, en juin 2019, la sanction du projet de loi no 6 (2019, c. 13) Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la prise d’une poursuite pénale12, confie au Commissaire au lobbyisme, relevant de l’Assemblée nationale, la responsabilité de concevoir et d’administrer une nouvelle plateforme pour remplacer l’actuel Registre.

L’entrée en vigueur de certaines des dispositions de cette loi a été repoussée à plusieurs reprises, jusqu’à l’adoption du Décret 1329-2022 en date du 29 juin 2022, prévoyant l’entrée en vigueur au 13 octobre 2022 des dispositions concernant le transfert de la responsabilité du Registre au Commissaire au lobbyisme.

Une première phase de transition a cependant débuté en juin 2022, permettant aux plus hauts dirigeant.e.s d’entreprises et d’organisations réalisant des activités de lobbyisme, à leurs représentant.e.s autorisé.e.s ainsi qu’aux lobbyistes-conseils de créer d’ores et déjà leur compte respectif sur la nouvelle plateforme « Carrefour Lobby Québec »13. Les activités de lobbyisme en cours doivent toutefois toujours être déclarées sur le Registre actuel.

Une seconde phase de déploiement sera ouverte dès le 13 octobre 2022, visant la transition et l’inscription des activités de lobbyisme en tant que telles sur la nouvelle plateforme.

Ainsi, au 13 octobre 2022, l’actuel Registre sera officiellement fermé, les mandats de lobbyisme qui y sont déclarés auront été transférés dans la nouvelle plateforme, et une période de 60 jours de validation de l’information transférée s’amorcera.

Essentiellement, cette nouvelle plateforme a pour objectif la mise en place d’un espace modernisé, plus transparent, personnalisé, interactif et collaboratif pour les entreprises. Il sera notamment possible de lier chacun des lobbyistes aux activités de lobbyisme qu’ils effectuent réellement, ce qui n’est pas le cas sur le Registre actuel.

3. RÉFORME POTENTIELLE DU CADRE JURIDIQUE ACTUEL
Bien que la mise en place de la nouvelle plateforme ne change pas en substance les obligations de déclaration des activités de lobbyisme en vertu de la Loi, en juin 2019, le Commissaire au lobbyisme a appelé à une refonte complète de la Loi dans son rapport Simplicité, clarté, pertinence, efficacité : Réforme de l’encadrement du lobbyisme14. Une telle réforme pourrait alors être amorcée dans la foulée du lancement de la nouvelle plateforme.

  1. Le présent article a été rédigé en date du 22 août 2022 et se veut à jour à cette date. Des modifications réglementaires pourraient survenir entre la date de rédaction et sa publication.
  2. Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme, RLRQ, c. T-11.011.
  3. Code de déontologie des lobbyistes, RLRQ, c. T-11.011, r. 2.
  4. Supra, note 2, art 4.
  5. Règlement relatif au champ d’application de la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme, RLRQ, c. T-11.011, r. 1, art 1.
  6. Supra, note 2, art 5.
  7. Ibid, art 7.
  8. Les inscriptions publiées au Registre peuvent être consultées au lien ci-après : https://www.lobby.gouv.qc.ca/servicespublic/consultation/ConsultationCitoyen.aspx?id=0.
  9. Ibid, arts 60 à 64.
  10. Ibid, art 53.
  11. Ibid, art 58.
  12. Loi transférant au commissaire au lobbyisme la responsabilité du registre des lobbyistes et donnant suite à la recommandation de la Commission Charbonneau concernant le délai de prescription applicable à la prise d’une poursuite pénale, LQ 2019, c 13.
  13. La nouvelle plateforme « Carrefour Lobby Québec » est accessible via le lien suivant : https://www.carrefourlobby.quebec/home.
  14. Commissaire du lobbyisme du Québec, « Simplicité Carté Pertinence Efficacité – Réforme de l’encadrement du lobbyisme » (2019), en ligne : https://lobbyisme.quebec/fileadmin/Centre_de_documentation/Documentation_institutionnelle/2019-06-13_Enonce-principes-CLQ.pdf