Infractions disciplinaires : les médias sociaux sous la loupe des ordres professionnels

Dans les deux dernières années, plusieurs plaintes disciplinaires visant des infractions perpétrées via les réseaux sociaux ont été déposées par les syndics et syndiques d’ordres professionnels. Petit tour d’horizon…

PUBLICITÉ DÉROGATOIRE ET INFORMATIONS TROMPEUSES
En 2021 et 2022, des membres d’ordres professionnels ont appris à leurs dépens que leurs publications sur le réseau Facebook devaient respecter les normes relatives à la publicité prescrites dans leur code de déontologie, tout comme s’il s’agissait d’une publicité dans un média traditionnel. Deux plaintes ont ainsi été déposées par l’Ordre des dentistes du Québec1. Elles reprochent notamment aux dentistes d’avoir, sur la page Facebook de leur clinique, publié des témoignages de reconnaissance, diffusé des publicités trompeuses, incomplètes ou de nature comparative et organisé des tirages.

De plus, une psychoéducatrice a plaidé coupable à un chef lui reprochant d’avoir transmis des courriels à ses clients pour les inciter à aimer sa page Facebook2.

D’autres professionnel.les ont été trouvés coupables d’infraction visant la publication d’informations trompeuses sur les médias sociaux. C’est le cas du détenteur d’un permis spécial de conseiller juridique étranger qui s’est affiché comme avocat sur sa page LinkedIn3, et d’un pharmacien et d’un audioprothésiste qui ont utilisé sur Facebook une raison sociale ne comportant pas leur nom4.

PROPOS QUI MANQUENT DE RIGUEUR ET DE MODÉRATION
Depuis le début de la pandémie, les plaintes portées à l’encontre des professionnel.les aux opinions bien acérées ont fait jaser. Trois chiropraticiens5, deux comptables6 et une avocate7 ont fait l’objet d’une plainte pour avoir utilisé les médias sociaux Facebook, Twitter ou YouTube pour diffuser à grande échelle des propos manquant de rigueur et de modération, non scientifiquement fondés ou minant la confiance du public envers la profession. Ces opinions provocatrices visaient entre autres la gravité de la COVID-19 et de la pandémie, l’origine du virus, l’efficacité des mesures sanitaires et les vaccins.

Fait plutôt rare en droit disciplinaire, une plainte privée a mené à la condamnation d’un médecin accusé d’avoir vertement critiqué sur son compte Facebook la pertinence des mesures de protection imposées par la santé publique8.

Par ailleurs, hormis les propos à saveur pandémique, un physiothérapeute a été sanctionné pour avoir, sur sa page Facebook, tenu des affirmations et fait la promotion d’ouvrages portant sur des approches ne s’appuyant sur aucune donnée scientifique probante9.

INTIMIDATION ET PROPOS VEXATOIRES
Trois professionnel.les ont utilisé au cours des deux dernières années les médias sociaux pour véhiculer des propos vexatoires.

Deux comptables ayant également tenu un discours acrimonieux sur les mesures sanitaires entourant la COVID-19 ont profité de leur tribune sur les médias sociaux pour intimider le bureau de la syndique et freiner l’enquête menée contre eux10.

De plus, une plainte qui doit procéder au fond en 2023 reproche à une dentiste d’avoir publié des propos vexatoires envers d’ex-client.es sur la page Facebook de sa clinique ainsi que sur le site d’évaluations Rate MDs11. On reproche aussi à cette dentiste d’avoir diffusé sur ladite page des informations confidentielles à l’égard de deux patientes. Une affaire à suivre…

TRANSGRESSION DES FRONTIÈRES PROFESSIONNELLES
En dernier lieu, les réseaux sociaux sont trop souvent utilisés par des professionnel.les pour établir des liens amicaux, amoureux ou sexuels avec leurs client.es en dehors du contexte professionnel.

Bien que ces cas de figure soient nombreux, certains dossiers retiennent davantage l’attention. Notons celui d’un avocat actif sur TikTok, acquitté d’avoir approché une cliente sur Instagram pour tenter d’avoir des relations sexuelles avec elle12. Le Conseil de discipline n’a pas été convaincu que l’échange, dans lequel l’avocat proposait à la jeune femme de la conduire à Niagara Falls et d’y passer vingt-quatre heures en privé, tout inclus, appareils électroniques éteints, constituait un geste abusif à caractère sexuel, en particulier puisque la cliente n’a jamais rencontré ou parlé à l’avocat.

En dernier lieu, une travailleuse sociale a plaidé coupable à la plainte lui reprochant d’avoir eu une relation sexuelle avec un ancien client, croisé sur un site de rencontre13. Le pot aux roses a été découvert lorsque l’ex-conjointe du client a confronté son ancienne flamme pour avoir « aimé » sur Facebook des photos de l’intimée, que le couple avait consultée à quelques reprises. Le syndic adjoint a d’ailleurs exigé de l’intimée qu’elle signe une procuration lui donnant accès à ses comptes Badoo et Tinder.

Comme quoi, personnels ou non, les réseaux sociaux des professionnel.les ne sont pas à l’abri d’une enquête disciplinaire !

  1. Ordre professionnel des dentistes c. Tabi, 2021 QCCDODQ 3 ; Ordre professionnel des dentistes c. Martin, 2021 QCCDODQ 27.
  2. Ordre professionnel des psychoéducateurs et psychoéducatrices c. Cairnduff, 2022 QCCDPSED 3.
  3. Barreau du Québec c. Kalala, 2021 QCCDBQ 63.
  4. Ordre professionnel des pharmaciens c. Soltan, 2021 QCCDPHA 47 ; Ordre professionnel des audioprothésistes c. Allenbach-Bellehumeur, 2022 QCCDAP 3.
  5. Ordre professionnel des chiropraticiens c. Morissette, 2021 QCCDCHIR 3 ; Ordre professionnel des chiropraticiens c. Gagnon, 2021 QCCDCHIR 16 ; Ordre professionnel des chiropraticiens c. Lajoie, 2021 QCCDCHIR 18.
  6. Ordre des comptables professionnels agréés c. Pilon, 2020 QCCDCPA 40 [Pilon] ; Ordre des comptables professionnels agréés c. Blais, 2022 QCCDCPA 3 [Blais].
  7. Barreau du Québec c. Blais, 2022 QCCDBQ 32.
  8. Bolduc c. Lacroix, 2022 QCCDMD 13.
  9. Ordre professionnel de la physiothérapie c. Plante, 2021 QCCDOPPQ 6.
  10. Pilon et Blais, supra, note 6.
  11. Ordre professionnel des dentistes c. Kuzina, 2022 QCCDODQ 5.
  12. Barreau du Québec c. Leblanc, 2021 QCCDBQ 112.
  13. Ordre professionnel des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux c. Miousse, 2021 QCCDTSTCF 21.