Julie Mousseau
Bâtonnière de Montréal
Il est vrai qu’au courant de la dernière année, les occasions de revêtir ma toge se sont faites moins nombreuses puisque je ne plaide presque plus. Cela s’explique par le privilège que j’ai eu de devenir gestionnaire d’une équipe extraordinaire. Je suis la cheftaine de ceux et celles qui sont devenus, au fil des 20 dernières années, non seulement mes collègues, mais aussi mes amis. En cette année de bâtonnat, qui aurait pu croire qu’il me manquait de défis? Ce sont maintenant les nombreux événements auxquels je participe qui me donnent l’occasion de porter à nouveau ma toge, à chaque fois avec une fierté renouvelée, je dois dire!
L’automne dernier, j’ai eu le plaisir d’aller voir la pièce Verdict, une œuvre percutante dans laquelle, tour à tour, Marie-Thérèse Fortin et Paul Doucet reprennent des plaidoiries de grandes causes québécoises ayant fait progresser notre société, tout entière, et changé le cours de notre histoire des 50 dernières années. Au début de la pièce, les deux acteurs ont revêtu la toge, devant le public. J’ai admiré le geste. Mes yeux ont souri. Je les ai trouvés beaux; chanceux aussi. J’adore le théâtre; il permet de réaliser l’importance du geste parce que l’on est en mode arrêt, le temps d’une soirée. Il permet aussi parfois de soulever la poussière qui se pose trop souvent sur notre conscience collective tout en mettant l’emphase sur des détails qui nous auraient autrement échappé. J’ai ainsi pu réaliser encore davantage l’importance du geste : revêtir sa toge est un honneur dont il faut avoir conscience.
D’autres avant nous l’ont fait pour défendre, entre autres causes, la légalisation de l’avortement, la lutte contre le profilage racial, les droits des conjoints de même sexe. La lutte menée par ces individus que nous ne connaissons pas intimement, dont Joyce Echaquan et Henri Morgentaler, donne tout son sens aux mots dignité, égalité et respect. Plus nous acceptons les différences, qui, inévitablement, existent entre les membres d’une société, mieux celle-ci se porte. En tant que femme, j’ai pris conscience que c’est uniquement en 1971 que nous avons acquis le droit de devenir juré. Ah oui, me dis-je? C’était l’année de ma naissance. Pourtant, je ne vous cacherai pas que certains jours je ne me trouve assurément encore toute jeune!
La pièce ne fait pas abstraction du fait que notre système de justice soit perfectible. Malgré tout, j’en suis sortie fière de nous. Fière du travail accompli par les personnes nous ayant précédés. Fière d’être avocate. Fière également de notre ouverture d’esprit toute québécoise. Jeune Barreau, soyez-le aussi, chaque jour, avec tout le respect que l’on doit aux acteurs du passé, tout en étant tournés vers l’avenir et les défis qui nous attendent. Soyez aussi infiniment fiers de faire partie de cette profession qui fait délicatement évoluer notre société, même si, avouons-le, les enjeux monétaires et technologiques auxquels fait face le système de justice d’aujourd’hui sont énormes! Il faut savoir se renouveler, chacun à notre façon. En ce sens, le Barreau de Montréal fait également sa part : un nouveau site Web plus convivial et une nouvelle infolettre sont d’ailleurs sur les planches avec une sortie prévue pour le début de l’année 2023.
En ce début d’année, je vous transmets mes meilleurs vœux pour que 2023 soit encore meilleure que ce que vous avez imaginé. En premier lieu, bonheur et santé. Mais, aussi, respect et bienveillance envers les autres et envers vous.