Lettre à un vieil ami

Cher ExtraJudiciaire,

Lorsque j’ai appris que tu allais cesser tes activités prochainement, un sentiment de nostalgie m’a envahie. Après quelques instants, je me suis ressaisie et spontanément, j’ai plongé dans mes souvenirs (à mon grand plaisir !). En consultant tes archives, ces traces de ton existence dynamique depuis mars 1987, j’ai vu le reflet de l’expression de l’engagement de jeunes avocates et avocats.

Dans le tout premier numéro de ton tout premier volume, le président de l’Association du Jeune Barreau de Montréal (AJBM – l’actuel JBM pour les plus jeunes d’entre nous) qui est maintenant juge à la retraite, monsieur Virgile Buffoni, écrivait que l’ExtraJudiciaire « se veut un bulletin d’information pour les membres ». Les membres du Jeune Barreau de Montréal étaient ensuite invités à lui faire part de leurs idées, de leurs commentaires et de leurs réflexions pouvant intéresser leurs collègues afin que l’information du bulletin « n’aille pas en sens unique ». Dernier né de l’AJBM, l’ExtraJudiciaire répondait alors au souhait exprimé par les membres du Barreau relativement à la venue d’un médium écrit d’information leur étant destiné.

Comme lectrice, j’attendais avec fébrilité, six fois par année, la livraison de tes parutions, à l’époque, par courrier. Elles sont ensuite devenues accessibles pour consultation en ligne, et un jour, tu es passé totalement au numérique. Je dois t’avouer que j’aimais bien le fait de lire chacune des pages de ta version papier, en les tournant une à la fois, sans un écran qui nous séparait, mais les temps ont changé. Comme toi, je me suis adaptée. Plus de trois décennies plus tard, force est de constater que tu ne t’es jamais éloigné de ta raison d’être. Tu peux être fier d’avoir bien accompli ta mission au bénéfice de ta communauté.

Et oui, ExtraJudiciaire, tu as évolué au fil du temps. Ton allure s’est modernisée. On peut même dire que tu en as vu de toutes les couleurs. Tes collaborateurs se sont succédé, au rythme où leurs années dites jeune barreau se terminaient. Certains ont travaillé dans l’ombre, d’autres sont apparus à l’avant plan, mais sans les efforts concertés de tous les membres de ton équipe, tu n’aurais jamais pu perdurer dans le temps.

C’est à l’époque où nous fréquentions les mêmes événements du JBM, comme le traditionnel Souper à la Maison du Père, la Clinique juridique téléphonique annuelle et le Gala annuel de l’association (la liste pourrait être longue en raison de toutes les activités offertes) que nous avons débuté une longue collaboration très enrichissante et divertissante pour la « Jeune Barreau » que j’étais.

Au début, par un concours de circonstances, tu m’as offert l’espace nécessaire afin que j’informe tes lecteurs et tes lectrices à propos des événements passés et à venir organisés par l’association ainsi que des réalisations des comités dans lesquels j’étais impliquée. C’était là une place de choix et donc, une occasion en or pour faire rayonner, notamment au sein de la communauté juridique, le travail acharné de jeunes bénévoles.

Tu m’as aussi permis, comme à tous ceux et celles qui ont écrit pour toi, de partager nos réflexions, nos expériences et d’alimenter des réflexions constructives sur des sujets variés. Tu as habilement su nous faire sortir de notre zone de confort afin d’aborder chaque thème avec ouverture et créativité. À chaque fois, tu nous amenais à réfléchir concernant des enjeux préoccupants. À chaque fois, tu nous amenais à nous surpasser dans le cadre de la rédaction de nos textes, et ce, en ayant comme objectif de capter l’intérêt de tes lecteurs et tes lectrices, qui, nous l’espérions, allaient poursuivre, à leur tour, la réflexion.

En faisant défiler tes pages à mon écran et en relisant, comme si c’était la première fois, le contenu de tes divers numéros, j’ai constaté que malgré les années qui ont passées et l’évolution qui en a découlé, les enjeux demeurent. La réalité propre à la profession d’avocat ou d’avocate, l’environnement, le leadership, la conciliation travail-famille (et travail-vie) ne sont que quelques exemples de thèmes qui suscitent, encore en 2023, la réflexion des jeunes barreau. ExtraJudiciaire, tu as toujours su être bien enraciné dans l’ère du temps même après 37 années.

Écrire pour toi n’implique pas uniquement (heureusement !) le fait de se retrouver seul devant une page blanche. Pour rendre notre travail plus humain et simulant, tu nous donnais l’occasion, dans le cadre de nos assignations, de rencontrer des personnalités reconnues du milieu juridique ou d’ailleurs. Quel privilège ais-je eu de m’entretenir, grâce à toi, avec notamment Mes Pascale Pageau, Paul St-Pierre Plamondon, Richard W. Pond, l’honorable François Rolland et même avec le chef Louis-François Marcotte. Ces rencontres vraiment inattendues furent toutes aussi marquantes les unes que les autres.

Un jour, nouvellement devenue ta rédactrice en chef, j’invitais à mon tour, inconsciemment à l’instar de monsieur Buffoni, tes lecteurs et tes lectrices, à me faire part de leurs commentaires et de leurs suggestions afin que l’ExtraJudiciaire ne soit pas seulement celui de son équipe, mais qu’il soit aussi le leur. Je définissais mon rôle comme étant celui de m’assurer que chaque personne qui allait nous lire se sente interpellée par ton contenu.

À un moment, la vie m’a donné l’occasion d’aller relever d’autre défis. Je t’ai quitté. Comme Dominique Michel et les Bye Bye, j’ai dit que c’était mon dernier Extra, mais comme elle, je suis revenue. Je n’ai pas pu résister à ressortir ma plume quand tu m’as invité à collaborer à nouveau avec toi. Pour mon plus grand plaisir, tu m’as amenée à renouer avec mon amour de l’écriture extrajudiciaire dans notre belle langue française. C’est le même sentiment que je ressens aujourd’hui, comme si c’était hier.

Je termine cette dernière rédaction (cette fois, je dois me résigner, c’est vraiment la dernière) qui t’est dédiée, mon vieil ami, en ayant le sentiment, bien humblement, de t’avoir rendu, à ma façon, un hommage. Un hommage à ce que tu as été, mais également un hommage à tous ceux et celles qui, depuis ton premier numéro ont contribué, bénévolement, rappelons-le, d’une manière ou d’une autre à ton succès. Sache que tu auras maintenant ta place dans notre mémoire collective.

À vous, cher lecteur et chère lectrice, je réitère ce souhait que j’ai formulé en décembre 2011, à la fin de mon premier éditorial, « que notre ExtraJudiciaire soit pour vous aussi passionnant à lire qu’il l’est pour nous de le créer ».

au revoir