Santé mentale et le développement de l’intelligence artificielle

Jasmine Lu

Étudiante

Le domaine de la santé mentale a longtemps été une source importante d’inspiration et d’innovation pour les technologies de l’intelligence artificielle (IA). L’IA est utilisée de plus en plus pour diagnostiquer et traiter certains troubles de santé mentale tels que la dépression, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique. Grâce aux divers progrès de l’IA, les soins de santé mentale ont le potentiel de devenir plus efficaces et accessibles afin de soutenir les professionnel.le.s de la santé mentale.

STATISTIQUES
En 2011, une étude de la Commission de la santé mentale du Canada indique qu’un.e Canadien.ne sur cinq va souffrir d’un trouble de santé mentale au cours de n’importe quelle année donnée1. Le coût économique annuel des problèmes de santé mentale au Canada est estimé à plus de 50 milliards de dollars par année, incluant notamment la perte de productivité, les coûts des soins de santé, ainsi que la réduction de la qualité de vie2.

En 2020, la pandémie de la COVID-19 a aussi eu un impact négatif sur la santé mentale des Canadien.ne.s.selon une étude de Statistique Canada3. Notamment, en mai 2020, 38 % des Canadien.ne.s ayant répondu au sondage ont témoigné d’une détérioration de leur santé mentale depuis le début de la pandémie4.

UTILISATION DE L’IA EN SANTÉ MENTALE
Compte tenu de la hausse des besoins en santé mentale et des enjeux d’accès aux soins de santé, les technologies d’IA sont de plus en plus utilisées pour améliorer la précision des diagnostics et pour fournir à la population des traitements ciblés5.

Comment l’IA peut-elle diagnostiquer les troubles de santé mentale ?

1. Interpréter. L’une des façons les plus importantes d’utiliser l’IA dans les soins de santé mentale est la programmation neurolinguistique (PNL) qui permet de comprendre et d’interpréter le langage humain6. Afin de traiter les troubles de santé mentale, la PNL sert à analyser le langage pour identifier les symptômes, entre autres dans les situations où les gens peuvent être réticents à demander l’aide d’un.e professionnel.le7.

2. Identifier. L’IA peut également être utilisée pour identifier des diagnostics avec plus de précision. Traditionnellement, les diagnostics sont effectués en se basant sur les symptômes du (de la) patient.e. Cependant, il est possible pour l’IA d’analyser un large éventail de sources de données, y compris des facteurs génétiques, biologiques et environnementaux, afin d’établir des diagnostics plus personnalisés des troubles de santé mentale8.

3. Pronostiquer. Finalement, il est possible de recourir à l’IA pour prédire l’apparition de troubles de santé mentale avant la manifestation des symptômes. En effet, l’IA peut analyser de grandes quantités de données pour identifier les facteurs de risque de troubles de santé mentale afin d’identifier les personnes à haut risque9.

Comment l’IA peut-elle traiter les troubles de santé mentale ?

1. Soutien. L’IA peut offrir un soutien personnalisé et accessible pour aider aux traitements de santé mentale en fournissant des chatbots et des assistants virtuels10. Par exemple, le chatbot « Woebot » se sert de la thérapie cognitivo-comportementale pour réduire les symptômes de dépression et d’anxiété11.

2. Réalité virtuelle. Une autre façon d’utiliser l’IA pour aider aux traitements de santé mentale est la thérapie par réalité virtuelle (RV). La thérapie en RV a recours à une technologie immersive pour simuler des scénarios et des environnements réels, permettant aux patient.e.s d’affronter et de gérer leurs peurs dans un environnement sûr et contrôlé. Au Québec, l’Hôpital d’Alma a annoncé en février 2023 une collaboration entre Paperplane Therapeutics, la Fondation de l’Hôtel-Dieu d’Alma et TELUS, afin d’offrir la thérapie en RV pour les patient.e.s en psychiatrie12.

3. Surveillance. Enfin, l’IA peut être utilisée pour surveiller et suivre la santé mentale des patient.e.s au fil du temps, permettant aux prestataires de santé mentale d’ajuster les plans de traitement au besoin. Les appareils portables et les applications par téléphone intelligent peuvent collecter des données sur le sommeil, les niveaux d’activité et d’autres facteurs physiologiques des patient.e.s, fournissant ainsi des renseignements essentiels sur leur état de santé mentale13.

CONCLUSION
L’intelligence artificielle a entraîné de nombreuses avancées dans le domaine de la santé mentale. En effet, l’IA fournit des diagnostics et des traitements personnalisés et accessibles à des personnes qui en auraient autrement un accès restreint. Les technologies basées sur l’IA, telles que la PNL, l’apprentissage automatique, les chatbots et la thérapie RV, peuvent servir à diagnostiquer et à traiter les troubles de santé mentale.

Cependant, il existe également des défis et des considérations importants qui doivent être abordés relativement au potentiel de biais dans les algorithmes d’IA, au risque de remplacer les interactions humaines dans les soins de santé mentale et à la nécessité de garantir que les services de santé mentale alimentés par l’IA sont accessibles et abordables pour tou.te.s.

  1. P. SMETANIN et al., «The life and economic impact of major mental illnesses in Canada: 2011-2041», Mental Health Commission of Canada, 2011, en ligne : https://www.mentalhealthcommission.ca/wp-content/uploads/drupal/MHCC_Report_Base_Case_FINAL_ENG_0_0.pdf.
  2. Id.
  3. Michelle D. GUERRERO et Joel D. BARNES, «Profiles of mental health and their association with negative impacts and suicidal ideation during the COVID-19 pandemic: A Canadian perspective », Statistique Canada, 2022, en ligne : https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2022008/article/00002-eng.htm.
  4. Id.
  5. Dhruv KHULLAR, «Can A.I. Treat Mental Illness? New computer systems aim to peer inside our heads—and to help us fix what they find there», The New Yorker, 2023, en ligne: https://www.newyorker.com/magazine/2023/03/06/can-ai-treat-mental-illness
  6. T. ZHANG et al. “Natural language processing applied to mental illness detection: a narrative review.” npj Digit. Med. 5, 46 (2022), en ligne: https://doi.org/10.1038/s41746-022-00589-7.
  7. Id.
  8. A. ABD-ALRAZQ et al., «The performance of artificial intelligence-driven technologies in diagnosing mental disorders: an umbrella review», npj Digit. Med. 5, 87 (2022), en ligne : https://doi.org/10.1038/s41746-022-00631-8.
  9. K. COSIC et al., «Artificial intelligence in prediction of mental health disorders induced by the COVID-19 pandemic among health care workers», Croat Med J., 2020, en ligne : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7358693/.
  10. Karen BROWN, «Something Bothering You? Tell It to Woebot», New York Times, 2021, en ligne : https://www.nytimes.com/2021/06/01/health/artificial-intelligence-therapy-woebot.html.
  11. Id.
  12. TELUS, «Améliorer les soins en santé mentale grâce à la réalité virtuelle », La Presse, 2023, en ligne : https://www.lapresse.ca/xtra/2023-02-27/telus/ameliorer-les-soins-en-sante-mentale-grace-a-la-realite-virtuelle.php
  13. N. MOUKADDAM et al., «Turning data into better mental health: Past, present, and future», Front. Digit. Health, 2022, en ligne: https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fdgth.2022.916810/full.