Les multiples visages de l’ExtraJudiciaire

Alors que l’ExtraJudiciaire avait été ma porte d’entrée pour m’impliquer au Jeune Barreau de Montréal en 2017, sa fin concorde avec ma retraite du JBM, puisque du haut de mes plus de dix ans d’expérience, je ne peux plus prétendre à la jeunesse. Ainsi, j’espère que vous me permettrez un hommage très personnel à cette belle revue, au moment où je tourne moi-même la dernière page d’un chapitre marquant de ma carrière.

En m’impliquant au JBM, je cherchais à m’enrichir de contacts avec des gens dont la pratique et le parcours n’avaient rien à voir avec le mien. Rapidement, cette approche a teinté mes articles au sein de l’ExtraJudiciaire et chaque assignation pour un article de la revue est devenue une occasion d’entrer en contact avec des acteurs et actrices de la communauté juridique pour les faire rayonner et inspirer les membres du JBM. En cette dernière édition, je n’ai donc qu’une seule envie : passer en revue les personnes extraordinaires avec lesquelles j’ai eu la chance de m’entretenir au fil des années grâce à l’ExtraJudiciaire pour que par delà la fin de notre chère revue, on n’oublie jamais l’importance de faire briller les jeunes avocat.e.s de Montréal.

Tout a commencé dans l’édition de juin 2019 qui avait pour titre « À un clic de notre responsabilité ». Le sujet que j’avais choisi pour mon article était la responsabilité des influenceur.euse.s sur les réseaux sociaux. Or, étant avocate à l’aide juridique, principalement en droit de la famille, je n’y connaissais absolument rien. Ainsi, j’avais approché Gabrielle Madé, directrice générale du studio Le Slingshot, Me Klara Polom, conseillère juridique senior chez Attraction Média et Me Aicha Tohry, avocate à son compte en droit des industries créatives. Toutes trois avaient eu l’immense générosité de m’instruire sur les pratiques en marketing d’influence. C’est alors que j’ai compris la puissance de l’ExtraJudiciaire, en ce qu’il me donnait une excuse béton pour fouiner dans des sujets qui ne rejoignaient absolument pas mon domaine de pratique et d’en discuter avec les gens qui les maîtrisaient. Quel délice pour la curieuse que je suis!

Pour l’édition de juin 2020 qui avait pour thème les droits des personnes des communautés LQBTQ2+, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Antoine Beaudoin Gentes et Charlie Augustin Savignac d’Enfants Transgenres Canada, depuis renommé Jeunes identités créatives, afin de mettre en lumière les défis que vivent les enfants que l’organisme accompagne. Dans le cadre de cette entrevue, nous avons eu l’occasion de clarifier la terminologie appropriée et de discuter de la capacité du droit au Québec à répondre adéquatement aux besoins des personnes trans.

L’édition de décembre 2020 s’intitulait « Où mène le droit? ». Comme je m’étais moi même lancée dans des études en droit avec l’idée que le droit mène à tout, il m’apparaissait naturel de me tourner vers les facultés de droit pour explorer ce qui y était promu par-delà la course aux stages. Me Luc Boulanger-Milot , responsable du Centre de développement professionnel de la Faculté de science politique et droit de l’UQÀM et Me Karine Delvolvé du Centre de développement professionnel de la Faculté de droit de l’Université de Montréal avaient alors répondu à mes questions sur la valorisation des carrières non-traditionnelles auprès des étudiant.e.s en droit et j’avais pu relater dans mon article les efforts et défis des CDP en la matière ainsi que l’intérêt de nos futur.e.s membres pour la pratique hors des grands cabinets.

L’un de mes articles favoris publiés dans l’ExtraJudiciaire demeura sans nul doute celui de l’édition d’août 2020 dans lequel j’avais eu l’opportunité de m’entretenir avec non moins de quatre avocat.e.s aux pratiques variées pour un article dont le sujet était les domaines de droit qui s’exercent à l’extérieur des palais de justice. Me Cynthia Chénier m’avait parlé de droit carcéral, Me Alain Dechamps, de vulgarisation juridique, Me Tiago Murias, de justice pénale pour adolescent.e.s et Me Andrée-Anne Perreault-Girard, de la pratique dans un organisme dédié aux femmes et enfants victimes de violence. Comment atterrit on dans ces milieux dont on entend peu parler pendant les études en droit? Qu’ont ils trouvé dans ces types de pratique qu’ils n’auraient pas trouvé dans la pratique classique du droit? Quels sont les inconvénients de leur pratique? Malgré la diversité de leurs expériences, je me suis délectée de relever les ressemblances dans certaines de leurs réponses à ces questions. Les pratiques non-traditionnelles du droit est un vaste sujet et mon article n’était qu’une mise en bouche puisqu’une édition complète fut dédiée à ce thème en décembre 2020!

En février 2021, devant une pandémie qui ne se finissait pas, j’ai décidé d’aborder les défis au devoir de confidentialité posés par le télétravail. Encore une fois, je m’attaquais à un sujet très loin de mon domaine de prédilection. Heureusement, j’ai eu la chance de bénéficier de l’expertise de Me Nareg Froudjian, alors avocat en droit de la vie privée et de la cybersécurité chez Deloitte Légal. À l’époque, je ne me doutais pas que je me retrouverais à siéger pendant deux ans à ses côtés sur le conseil d’administration du JBM!

Finalement, lorsque nous avons choisi le thème de la solidarité pour l’édition de juin 2021, je n’ai pu m’empêcher de penser à la contestation du couvre-feu pour les personnes en situation d’itinérance portée par la Clinique juridique itinérante (CJI) avec l’aide du cabinet Trudel Johnston & Lespérance. L’ExtraJudiciaire m’a permis de mettre des visages sur cette cause grandement médiatisée en allant à la rencontre du directeur de la CJI, M. Donald Tremblay et de deux avocat.e.s qui avaient mené une grande partie du dossier, Mes Lex Gill et Louis-Alexandre Hébert-Gosselin. Ces entrevues ont offert un accès inédit aux coulisses de ce dossier, que probablement aucune autre plateforme que l’ExtraJudiciaire n’aurait permis.

L’ExtraJudiciaire n’aurait jamais été ce qu’il a été sans l’apport de cette multitude d’intervenant.e.s qui ont eu la générosité de partager leurs expériences ou leur expertise avec les membres du JBM au fil des pages de la revue. Bien que cette édition marque la fin de l’ExtraJudiciaire sous la forme qu’on lui connaissait, je suis convaincue que le JBM saura faire vivre son esprit et trouver une plateforme pour faire rayonner ses membres comme l’ExtraJudiciaire le permettait. L’ExtraJudiciaire est mort, longue vie à l’ExtraJudiciaire!