Connaissez-vous le codéveloppement, cet outil de développement professionnel par les pairs à la fois simple et puissant? Un peu méconnue, cette méthode présente pourtant des avantages indéniables pour le développement des jeunes (et moins jeunes) avocat.e.s. Voici une brève introduction à cette approche qui, je l’espère, saura se tailler une place dans la communauté juridique.
D’OÙ ÇA VIENT?
Au Québec, la méthode a été développée par Adrien Payette et Claude Champagne, qui travaillaient en parallèle sur des formules similaires. Après s’être rencontrés dans un groupe constitué pour réfléchir à leurs expérimentations, ils ont publié conjointement en 1997 le livre Le groupe de codéveloppement professionnel. C’était le début du codéveloppement au Québec, qui rayonne aujourd’hui notamment par le biais de l’Association québécoise du codéveloppement professionnel fondée en 2012.
QU’EST-CE QUE C’EST?
Adrien Payette définit le groupe de codéveloppement comme « une approche de formation pour des personnes qui croient pouvoir apprendre les unes des autres afin d’améliorer, de consolider leur pratique1. » Le groupe rassemble quatre à sept personnes d’un même domaine d’expertise, accompagnées d’un animateur, qui participent à un exercice structuré de consultation pour trouver des solutions concrètes à des problématiques qu’elles rencontrent dans leur pratique. À tour de rôle, chaque participant.e devient un « client » et les autres membres du groupe agissent comme « consultants ». Ainsi, chaque personne s’enrichit des compétences, des perspectives et des expériences variées des autres personnes qui forment le groupe, tout en s’attaquant directement à des difficultés rencontrées dans leur parcours professionnel. Le groupe se rencontre à une fréquence déterminée, préférablement aux deux à cinq semaines, pour une durée moyenne de deux à trois heures sur une période variant de six mois à un an. Cela dit, les modalités de rencontres sont adaptables selon les besoins du groupe.
COMMENT ÇA SE DÉROULE?
Une séquence de consultation se déroule en six étapes qui se détaillent comme suit :
Étape 0 : Choix et préparation du sujet de consultation
Avant la séance de codéveloppement, le client doit choisir la préoccupation, le problème ou le projet qu’il soumettra au groupe. Il doit s’agir d’un sujet qui le préoccupe réellement dans sa pratique actuelle et qui lui permettra d’apporter des améliorations durables à celle-ci. Cet exercice est en soi bénéfique, forçant un bref moment de réflexion pour identifier ses priorités et ses besoins dans son quotidien professionnel.
Étape 1 : Exposé du sujet
Lors de cette première étape de la séance de consultation, le client présente le sujet sur lequel il s’interroge. À cette étape, la parole est au client et les consultants écoutent activement. Déjà, le cheminement professionnel du client s’amorce puisque « lorsque le client expose, il s’expose tel qu’il se perçoit, et souvent, il découvre en les disant certaines des facettes de sa situation et sa pratique2.
Étape 2 : Clarification de la problématique
Dans le cadre de cette deuxième étape, les consultants peuvent poser des questions au client afin de préciser leur compréhension de la problématique. Avant de parler et d’agir, il est important de comprendre le mieux possible la situation.
Étape 3 : Établissement du contrat de consultation
C’est à cette étape que le client définit ce qu’il recherche à travers la consultation. Cela pourrait être, par exemple, des suggestions pratiques relativement à une situation difficile ou des critiques franches sur un projet afin de le rendre plus solide.
Étape 4 : Réactions, commentaires et suggestions de consultants
Cœur de l’exercice, cette étape permet aux consultants de partager leurs impressions, idées, réactions émotives, commentaires, interprétations, suggestions, conseils ou références en lien avec le contrat de consultation, le tout dans le but de répondre aux besoins exprimés par le client. L’objectif est de lui offrir le plus de lectures et de pistes d’action possible. Ainsi, le consensus n’est pas recherché mais la divergence d’opinions est plutôt encouragée! Si le client peut poser des questions d’information, il est surtout encouragé à faire de l’écoute active ainsi qu’à retenir ses réactions spontanées pour bien absorber les idées qui lui sont suggérées par les consultants.
Étape 5 : Synthèse et plan d’action
Après avoir été bombardé de différentes possibilités, le client est invité à faire un tri et à identifier immédiatement une ou quelques hypothèses d’action concrètes, réalisables à court terme. Un suivi du plan d’action du client sera effectué lors de la rencontre suivante. Le client est ainsi engagé et redevable envers le groupe qui le soutient dans ce processus.
Étape 6 : Identification des apprentissages et évaluation
« À cette étape, tous les participants, le client et les consultants, sont invités à prendre note des principaux apprentissages déclenchés par la consultation3. » L’avantage du codéveloppement, c’est qu’on apprend autant en étant aidé qu’en aidant.
COMMENT ÇA PEUT VOUS ÊTRE UTILE?
Selon moi, la profession juridique aurait tout intérêt à développer une pratique de codéveloppement, que ce soit au sein des cabinets ou des associations professionnelles. Cela complémenterait bien le mentorat, qui repose sur des relations individuelles, en ajoutant une dimension de partage collectif alimentée par la diversité des parcours et des points de vue. Le codéveloppement est également un puissant outil pour cultiver la solidarité au sein de la profession, les groupes de codéveloppement se fondant en effet sur la confiance et le soutien.
Si j’ai piqué votre curiosité, consultez dès maintenant le site Web de l’Association québécoise du codéveloppement professionnel : https://www.aqcp.org/
- “Adrien Payette, « Le codéveloppement : une approche graduée », (2000), vol. 4, Interactions, p. 40, en ligne : https://www.usherbrooke.ca/psychologie/fileadmin/sites/psychologie/espace-etudiant/Revue_Interactions/Volume_4_no_2/V4N2_PAYETTE_Adrien_p39-60.pdf
- Id., p.44.
- Id., p. 46.
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