La technologie au service du droit

Nous entendons régulièrement parler, depuis quelques années déjà, d’intelligence artificielle, de Blockchain, de Métavers, de greffe numérique, de signature électronique, d’audience virtuelle, bref, des nouvelles technologies. La pratique du droit vit présentement une transformation importante propulsée par le développement de ces technologies. Pourtant, cette transformation s’est enclenchée il y a déjà plus de cinquante ans, avec l’arrivée de l’Internet, des ordinateurs portables et des adresses courriel, pour n’en nommer que quelques-uns. En plus, la pandémie de coronavirus a créé une pression supplémentaire sur le domaine du droit, longtemps réticent à adopter de nouveaux outils technologiques.

Ces nouvelles « technologies au service du droit », communément appelé LegalTech en anglais, font référence à l’utilisation de technologies ou de logiciels pour fournir des services juridiques ou pour faciliter la pratique du droit. Le développement de ces outils s’est orienté principalement sur la révision de documents automatisée, la rédaction de modèles de contrats et de gestion des négociations, les contrats intelligents, l’automatisation de certains flux de production (workflows), les outils facilitant la découverte électronique (e-discovery), les bases de données s’appuyant sur le stockage en nuage et l’archivage et sur la sécurité des données juridiques.

En effet, plusieurs compagnies ont développé, dans les dernières années, différents outils afin de moderniser le système juridique. Par exemple, en décembre 2021 LexisNexis a fait l’acquisition de Closd, une plateforme de gestion de transactions juridiques qui simplifie la gestion de projet, notamment par le partage sécurisé de documents et leur l’archivage1. On peut aussi penser à la technologie d’automatisation des contrats, qui en accélère la rédaction, en proposant des modèles à partir desquels on peut rédiger un contrat, tout en suivant les modifications apportées. Il est également possible pour les parties à un contrat d’apposer leur signature numérique, grâce à certains logiciels. D’autres compagnies vont encore plus loin en offrant des logiciels supportés par l’intelligence artificielle qui peuvent lire des contrats en quelques secondes et souligner les informations clefs, ou encore de numériser des dossiers et de la jurisprudence afin de prédire la décision que prendra la cour. Certaines offrent de plus la possibilité à toutes personnes de créer et rédiger différents documents juridiques, sans utiliser les services d’un.e avocat.e.

Ces technologies au service du droit offrent plusieurs avantages. Elles permettent notamment de simplifier et d’accélérer la pratique du droit des avocat.e.s et des notaires et de rendre la justice plus accessible en réduisant les besoins des citoyen.ne.s de consulter un.e professionnel.le. Elles facilitent l’accès aux services juridiques des personnes souffrant de handicap. Certains outils d’automatisation réduisent le nombre d’erreurs humaines, par exemple, grâce aux outils de facturation. Ces logiciels réduisent donc les tâches administratives non facturables, donnant ainsi plus de temps aux avocat.e.s pour effectuer leurs tâches professionnelles, tout en leur offrant un meilleur équilibre travail-famille.

Bien sûr, la technologie au service du droit n’a pas que ses avantages. Plus la technologie est rapide et efficace, plus grand est le risque de réduction des embauches au profit de l’achat de logiciels performants. Aussi, l’échange informatisé de documents sensibles augmente les risques de piratage informatique et fragilise la sécurité des données partagées. D’un autre côté, l’utilisation des algorithmes et de l’intelligence artificielle comme outils de prédictions ou d’analyses peuvent conduire à des résultats préjudiciables et renforcer les stéréotypes. De plus, la prise de décision hermétique d’un algorithme rend difficile de comprendre les raisons qui ont mené à un résultat.

Bref, je crois qu’il y a beaucoup d’avantages dans l’adoption de ces technologies. Le système juridique ne peut échapper au développement des nouvelles technologies, même si sa modernisation se fait plus lentement que dans d’autres domaines de pratique. Malgré l’avancement des technologies au service du droit, l’intervention humaine demeura pertinente pour s’assurer que les règles de droit sont respectées dans leur impartialité et pour encadrer ces nouvelles technologies. Par exemple, tel que l’a fait Le règlement européen sur la protection des données (RGPD) en posant les règles applicables au profilage et aux décisions automatisées, autorisant ainsi tout individu à connaître la logique dernière cette prise de décision et posant le principe du droit à l’intervention humaine2.

  1. LexisNexis, LexisNexis Announces Acquisition of Legal Transaction Management Platform Closd (1er décembre 2021), en ligne : https://www.lexisnexis.com/community/pressroom/b/news/posts/lexisnexis-announces-acquisition-of-legal-transaction-management-platform-closd
  2. Pour plus de détails, voir : CNIL, Profilage et décision entièrement automatisée (29 mai 2018), en ligne : https://www.cnil.fr/en/node/24408