La prise en compte des différences de sexe et de genre en matière de santé mentale : vers une intervention législative?

Les besoins des femmes et des hommes en santé mentale ne sont pas les mêmes, en raison des différences biologiques et physiologiques qui existent entre les sexes et qui peuvent avoir une incidence sur la prévalence, les symptômes et la réponse au traitement des maladies mentales1.

Des inégalités de genre, comme le partage des tâches domestiques, engendrent aussi des écarts hommes/femmes en santé mentale2.

La recherche médicale et pharmacologique devrait tenir compte de ces particularités, pour généraliser correctement les résultats aux hommes et aux femmes3.

Or, historiquement et encore aujourd’hui, soit les femmes sont régulièrement exclues des sujets d’étude, soit les résultats sont publiés sans préciser l’effet du sexe et du genre, car il est plus simple d’étudier uniquement des participants masculins4.

Le sexe et le genre masculins servent, ainsi, souvent de référence pour les traitements offerts aux femmes, ce qui retarde l’avancement des connaissances et peut leur porter préjudice5.

La participation des femmes en recherche soulève une question d’équité et de justice fondée sur le principe voulant que tous doivent participer équitablement pour partager tant les risques que les bénéfices de la recherche6.

La réponse demeure, à ce jour, politique.

En 1989, le Gouvernement du Québec lance sa première Politique de santé mentale7, critiquée par la professeure Nancy Guberman, parce qu’elle occulte les différences de sexe et de genre et leur impact sur la maladie mentale8.

En 2022, le Gouvernement du Québec affirme dans son Plan d’action interministériel en santé mentale déployer des efforts, afin d’améliorer la réponse aux besoins des femmes présentant un trouble mental9.

Par l’entremise d’une démarche appelée l’analyse différenciée selon les sexes (ADS), il est possible de discerner les effets distincts que peut avoir un projet de loi, une politique ou une action sur les femmes et les hommes10.

Le Plan d’action en santé et bien-être des femmes 2020-202411 et le Plan d’action pour contrer les impacts sur les femmes en contexte de pandémie12 sont des exemples d’application de l’ADS.

Pour sa part, Santé Canada présente, en 2013, ses Considérations relatives à l’inclusion des femmes dans les essais cliniques et à l’analyse des données selon le sexe, qui recommande qu’un nombre représentatif de femmes participent aux essais cliniques13.

En 2022, le Gouvernement du Canada renchérit avec l’Énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec les êtres humains, une politique qui fournit des lignes directrices relatives à l’inclusion dans la recherche de groupes précis comme les femmes14.

La mise en œuvre de certaines de ces politiques est, cependant, critiquée comme étant insuffisante, puisque leur application n’est pas obligatoire ni surveillée de manière appropriée15.

Par exemple, le respect de l’Énoncé de politique des trois conseils est, essentiellement, assuré par des incitatifs financiers, comme la rétention des fonds de recherche octroyés par les trois conseils en cas de violation, bien que tout autre recours prévu par la loi puisse être exercé16.

Par ailleurs, il faut mentionner que la Loi sur les services de santé et les services sociaux17 prévoit déjà que toute personne a le droit de recevoir des services adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social et de façon personnalisée et sécuritaire.

Par conséquent, ce n’est peut-être pas tant une intervention législative supplémentaire qui est requise plutôt que la mise en œuvre effective des mécanismes juridiques déjà en place et l’éducation accrue des professionnel.le.s de la santé.

D’ailleurs, le Secrétariat à la condition féminine précise que tout ministère ou organisme peut être accompagné dans l’intégration et l’adaptation de l’ADS à leur réalité18. L’Institut de recherche en santé du Canada encourage également les chercheurs à implanter une analyse comparative fondée sur le sexe et le genre dans la recherche en santé en mettant à leur disposition différents outils, lignes directrices et ressources en ligne19.

  1. Katherine A. LIU et Natalie A. DIPIETRO MAGER, « Women’s involvement in clinical trials: historical perspective and future implications » (2016) 14-1 Pharmacy Practice 708, p. 1 (PDF).
  2. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, S’unir pour un mieux-être collectif. Plan d’action interministériel en santé mentale 2022-2026, Gouvernement du Québec, 2022, p. XII.
  3. Alla YAKERSON, « Women in clinical trials: a review of policy development and health equity in the Canadian context », (2019) 18-56 International journal for Equity in health, p. 1 (PDF).
  4. CONSEIL DE RECHERCHES EN SCIENCES HUMAINES, CONSEIL DE RECHERCHES EN SCIENCES NATURELLES ET EN GÉNIE DU CANADA ET INSTITUTS DE RECHERCHE EN SANTÉ DU CANADA, Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains, 2022, Gouvernement du Canada, p. 76; A. YAKERSON, préc., note 3, p. 5.
  5. TROIS CONSEILS, préc., note 4; BARREAU DE L’ONTARIO, « Santé mentale des femmes » (2019) Gazette, en ligne : https://lso.ca/gazette/articles-en-vedette/sante-mentale-des-femmes; A. YAKERSON, préc., note 3, p. 4.
  6. TROIS CONSEILS, préc., note 4, p. 74 et 76.
  7. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Politique de santé mentale, 1989.
  8. Nancy GUBERMAN, « Les femmes et la politique de santé mentale », (1990) 15-1 Santé mentale au Québec 62, p. 62.
  9. M.S.S.S., préc., note 2, p. 59.
  10. M.S.S.S., préc., note 2, p. 58 et 59.
  11. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Plan d’action en santé et bien-être des femmes 2020-2024, Gouvernement du Québec, 2020.
  12. SECRÉTARIAT À LA CONDITION FÉMININE, Plan d’action pour contrer les impacts sur les femmes en contexte de pandémie, Gouvernement du Québec, 2021.
  13. SANTÉ CANADA, Considérations relatives à l’inclusion des femmes dans les essais cliniques et à l’analyse des données selon le sexe, Document d’orientation, Gouvernement du Canada, 2013, point 1.3.
  14. TROIS CONSEILS, préc., note 4, p. 74.
  15. A. YAKERSON, préc., note 3, p. 4 et 5.
  16. TROIS CONSEILS, préc., note 4, p. 3, référant aux recours prévus dans le Cadre de référence des trois organismes sur la conduite responsable de la recherche.
  17. RLRQ, c. S-4.2, art. 5.
  18. Préc., note 12.
    « Comment intégrer le sexe et le genre à la recherche »,
  19. Gouvernement du Canada, 2019, en ligne : https://cihr-irsc.gc.ca/f/50836.html.
illustration caij avril 2023

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