D’avocate à directrice générale d’Éducaloi : une entrevue avec Ariane Charbonneau

Me Ariane Charbonneau est directrice générale d’Éducaloi depuis 2017. Membre du Barreau du Québec depuis 1993, Me Charbonneau a d’abord exercé en droit de l’environnement et en droit municipal, avant de gérer le développement des affaires d’une société transnationale à Toronto, puis à Montréal. Me Charbonneau a été nommée vice-présidente du Comité national d’action sur l’accès à la justice civile et familiale en 2021. Elle est membre de l’Office de la protection du consommateur (OPC) depuis 2014, et siège également à l’Institut québécois de réforme du droit et de la justice (IQRDJ) depuis 2019.

GRÉGORY LANCOP (G.L.) Tout d’abord, je tiens à vous remercier de prendre le temps de nous rencontrer aujourd’hui. Pour commencer, parlez-nous de votre parcours.

ARIANE CHARBONNEAU (A.C.) J’ai toujours dit que j’avais un parcours atypique. Même avant d’être chez Éducaloi, je n’ai pas eu un parcours aussi droit et traditionnel que certains de mes collègues de la fac.

Au départ, faire du droit n’était pas mon plan, c’est plutôt le droit qui m’a choisie! En effet, j’ai un DEC en sciences pures, mais quelque chose m’interpellait dans le droit. Je savais que le droit menait à tout, mais j’ignorais jusqu’où ça pouvait me mener! J’ai débuté la pratique du droit dans des milieux extraordinaires : j’ai d’abord fait mon stage dans un ministère provincial, j’ai ensuite fait le saut en grand cabinet, puis, pendant plusieurs années, j’ai pratiqué dans un cabinet boutique spécialisé en droit municipal.

G.L. Fort intéressant. Et selon vous, qu’est-ce qui a contribué à votre succès?

A.C. J’ai su saisir les opportunités peut-être? Et il faut reconnaitre aussi les gens sur notre parcours qui désirent nous faire avancer.  Comme cet avocat rencontré pendant mon stage au ministère de l’Environnement. Il m’a proposé de passer des entrevues dans son grand cabinet, puis m’a informée d’autres ouvertures qui m’ont amenée à travailler de bien belles années chez Hébert Denault, et enfin, il a fait partie des trois lettres de recommandation soumises pour mon dossier d’admission au MBA. J’ai aussi eu une mentore exceptionnelle chez Procter & Gamble, une dame expérimentée et énergique, pas du tout du même milieu que moi, mais très inspirante dans sa bonne humeur et son leadership.

Je dirais qu’il faut savoir apprécier les gens autour de nous, surtout ceux et celles qui nous sont différents. Il faut avoir du plaisir, mais aussi être audacieux, se challenger, tenter l’inconnu. Et je suppose que ça fait partie de ma personnalité.

Finalement, il faut savoir écouter son instinct, faire confiance à cette petite voix lorsque de nouvelles possibilités émergent, même si ce n’est pas toujours la voie facile. Ça revient à une question de personnalité et je ne dis pas que tout le monde doit être comme ça.

G.L. Quels conseils auriez-vous aimé recevoir lorsque vous débutiez votre pratique? Quels conseils souhaitez-vous transmettre à la nouvelle génération d’avocat.e.s?

A.C. Peut-être que la nouvelle génération a moins besoin de l’entendre qu’à mon époque, mais j’aurais voulu apprendre dès l’université qu’il y avait plusieurs façons de vivre le droit, que ce n’était pas seulement d’être en cabinet ou en contentieux. On le sait davantage aujourd’hui combien il y a d’autres créneaux. Il y a des organismes comme Éducaloi qui existent grâce à des systèmes de soutien gouvernemental et philanthropique, mais il y a aussi 1000 lieux que la profession nous permet d’investir…C’est un beau privilège d’être membre du Barreau!

Mon conseil ultime aujourd’hui aux avocates (et avocats!) est en lien avec l’avenir de notre profession. Je les inciterais vraiment à développer leurs habiletés de communication et même à s’intéresser aux techniques de vulgarisation, pour mieux répondre aux besoins de la population. Les gens ont soit l’impression de trouver réponse au bout de leurs doigts (et pas nécessairement la bonne réponse!), ou au contraire, se sentent complètement intimidés et abandonnés dans notre État de droit. Mais dans les deux cas, notre profession est à risque de devenir obsolète d’ici
20 ans si on ne cherche pas davantage à s’adapter, à savoir comment mieux parler à la population pour répondre à leurs besoins réels, à développer l’empathie nécessaire pour rendre nos communications avec les gens plus efficaces et claires. Ce ne sont malheureusement pas encore des habiletés au cursus des facultés de droit ou de l’École du Barreau, mais il faut apprendre à mieux rejoindre les citoyens là où ils sont, dans l’état d’esprit où ils sont. C’est notre devoir de démystifier ce qui semble inaccessible pour plusieurs.

G.L. Merci beaucoup pour votre temps.