Entrevue avec Me Alba Stella Zúñiga Ramos

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ME ALBA STELLA ZÚÑIGA RAMOS

originaire de la Colombie, est arrivée à Ottawa à l’âge de 15 ans, alors qu’elle ne parlait ni français ni anglais. Aujourd’hui, elle est une avocate trilingue à Montréal avec de l’expérience juridique dans les domaines du droit disciplinaire, administratif et de l’immigration. Elle est détentrice d’un baccalauréat en droit de l’Université McGill, et d’un baccalauréat en études internationales et langues modernes de l’Université d’Ottawa.

GRÉGORY LANCOP (G.L.) Je tiens tout d’abord à vous remercier de nous accorder une partie de votre temps aujourd’hui. En tant que membre du Jeune Barreau de Montréal, vous vous présentez cette année comme candidate au poste de conseillère de ville dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, District Louis-Riel, pour l’équipe Ensemble Montréal.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours avant de pratiquer le droit?

ALBA STELLA ZÚÑIGA RAMOS (A.S.Z.R.) Tout d’abord, merci de m’avoir accordé ce temps!

Avant le droit, j’ai pu effectuer mon baccalauréat en relations internationales et langues modernes à l’Université d’Ottawa. Pendant ces études, j’ai pu travailler avec le Ministère de la Justice sur le dossier des pensionnats autochtones. J’ai collaboré avec des avocats qui travaillaient sur une entente avec les personnes qui, à l’époque des pensionnats, ont souffert des dommages. C’était mon premier contact avec le droit et je suis tombée amoureuse du monde juridique.

J’ai donc décidé d’étudier en droit à l’Université McGill, à la fin de mon baccalauréat. En fait, le programme consiste en un double baccalauréat en common law et en droit civil, lequel permet d’acquérir des connaissances plus globales. Parallèlement, j’ai été admise au programme d’immigration à titre de travailleur qualifié, un programme québécois qui permet aux étudiants,es au Canada de demander l’immigration. Ce programme demande une connaissance du français et aussi d’avoir un certain niveau d’éducation universitaire.

Étant donné qu’à mon arrivée à McGill, ma connaissance de l’anglais était très minime, j’ai décidé de prendre des cours pour approfondir mes connaissances dans cette langue. C’était tout un défi de suivre mes études en droit tout en apprenant l’anglais, mais c’était le bon choix.

Durant mon parcours à McGill, j’ai effectué beaucoup de bénévolat à la Clinique d’information juridique à McGill et au Centre de recherche-action sur les relations raciales. J’ai également travaillé avec Éducaloi sur le langage clair au Québec, et j’ai aussi réalisé un stage à la Cour municipale de Montréal.

G.L. Vous étiez avocate en droit disciplinaire, déontologique et administratif pendant une certaine période de temps. Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours?

A.S.Z.R. Après mon stage, j’ai eu un poste d’avocate chez Mercier Leduc, un cabinet boutique d’avocats qui exercent dans plusieurs domaines dont la déontologie et le droit disciplinaire. Nos clients étaient essentiellement des ordres professionnels. Par exemple, on accompagnait les syndics et les syndics ad hoc à travers toutes les étapes du processus disciplinaire.

Je travaille dans le milieu juridique depuis l’âge de 18 ans, et ce, dans toutes sortes de domaines variés, que ce soit avec le Ministère de la Justice, ma première expérience dans le milieu juridique, ou comme parajuriste en droit de l’immigration

G.L. Fort intéressant! Cette année, vous vous présentez au poste de conseillère de ville dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, district Louis-Riel, pour l’équipe Ensemble Montréal. Qu’est-ce qui vous a menée à faire le saut en politique municipale?

A.S.Z.R. J’ai toujours voulu m’impliquer en politique. En effet, pour moi, participer était une façon de joindre mes deux passions : la politique et le droit. Le droit est un peu la structure de la société et la politique permet d’être davantage près des citoyens.

J’ai entendu beaucoup de personnes se plaindre, particulièrement des personnes issues des minorités visibles, qu’elles ne se sentaient pas représentées auprès de la ville de Montréal. Aussi, en tant que jeune femme, on se sent souvent moins représentée. À mon avis, c’est vrai et il y a effectivement un manque de représentativité. J’ai donc voulu prendre le risque et m’engager dans une équipe où il y a une belle représentativité. Lorsque l’on regarde l’équipe d’Ensemble Montréal, on y voit la diversité de notre métropole reflétée sous toutes ses formes et c’est venu me chercher.

De plus, j’ai commencé à travailler avec Ensemble Montréal en tant qu’attachée politique et agente de liaison depuis quelques mois. Ils m’ont approchée car mon CV avait piqué leur intérêt. Je me suis donc lancée, pour ensuite me rendre compte qu’ils étaient vraiment à l’écoute des citoyens. Étant une femme issue d’une minorité visible, avec un parcours en droit, je sentais que je pouvais apporter un point de vue et être écoutée.

J’ajouterai aussi que j’ai beaucoup travaillé avec Karine Boivin Roy qui se présente à la mairie du quartier de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Karine est conseillère de la ville pour le district de Louis-Riel depuis huit ans et leader de l’opposition officielle au conseil municipal depuis 2018. Elle est aussi avocate, membre du Barreau depuis 17 ans, et j’ai vraiment beaucoup d’affinités avec elle. Je voyais en elle un exemple à suivre, car elle s’implique en politique avec beaucoup d’intégrité. Elle m’a offert la possibilité de la remplacer dans son district où je travaillais. En effet, j’étais son attachée politique et elle se présente à la mairie, alors c’est une belle opportunité de travailler avec quelqu’un qui est devenu un modèle pour moi.

G.L. Comment votre expérience juridique en tant qu’avocate vous a-t-elle influencée en tant que candidate au poste de conseillère de ville?

A.S.Z.R. Je dirais que le droit et la politique possèdent de nombreux liens. L’un ne peut pas vivre sans l’autre, à mon avis. En tant qu’avocate issue d’une minorité visible, certains défis doivent être relevés et le Barreau l’a compris dans le travail qu’il fait à cet égard. En politique, c’est la même chose. Il reste du travail à faire et l’équipe que l’on a avec Ensemble Montréal aide à ce niveau, puisqu’elle vise la parité et la représentativité en termes de diversité des femmes et de genres.

En matière de pratique, j’ai pratiqué en déontologie. J’ai aussi préparé des conférences portant sur la déontologie et eu l’opportunité d’en donner une. Pour moi, la bonne gouvernance est fondamentale, il faut avoir de bonnes pratiques déontologiques qui respectent les codes d’éthique. Ce vécu en déontologie m’influence énormément dans mes relations avec les citoyens, c’est-à-dire que je trouve qu’on doit avoir des rapports respectueux, de l’éthique. La politique doit respecter certaines normes.

Deuxièmement, le contact avec les clients m’a aussi énormément influencée. On doit respecter les intérêts des citoyens et agir dans leurs intérêts. C’est bien sûr un contexte différent en ce que je représenterais des citoyens, et non des clients, mais il y a des rapprochements, car on représente les intérêts des citoyens et on se bat pour eux. Je crois donc qu’il y a des parallèles à faire entre les deux. 

Troisièmement, avoir l’œil d’avocate aide à mieux cerner les limites dans lesquelles on peut travailler en ce qui concerne les règlements de la Ville. On ne fait donc pas des promesses dans le vide. La compréhension des lois et des règlements qui régissent la Ville aide à comprendre jusqu’où on peut aller dans les politiques.

Évidemment, certaines personnes auront des réticences par rapport aux politiciens et aux avocats, mais lorsque les gens font des rencontres et qu’ils se rendent compte qu’on est là pour les bonnes raisons, l’image qu’ils se font du politicien et de l’avocat change.

G.L. Comme vous le savez, cette édition de l’ExtraJudiciare porte sur le sujet « Le monde municipal ». Ainsi, j’aimerais aborder avec vous des enjeux municipaux dont nous devons être au courant en tant que jeunes juristes. Est-ce qu’il y a quelque chose en particulier qui vous interpelle?

A.S.Z.R. Je commencerai par quelque chose de simple avant même de parler des enjeux politiques : c’est important que les citoyens participent à la politique municipale. Il y a un manque de participation, peu de gens votent en politique municipale. Or, c’est important que les gens s’approprient la politique municipale, mais malheureusement, leur intérêt est plus tourné vers la politique provinciale ou fédérale. Que l’on sache la différence entre un conseiller d’arrondissement et un conseiller de ville, je dirais que c’est la base pour assurer une participation démocratique au niveau municipal.

Quant aux enjeux plus généraux, je dirais que le droit et la politique ont du chemin à faire au niveau de la rédaction des lois en langage clair. Il faut rendre autant le droit que la politique accessible aux citoyens. Des organismes, dont Éducaloi, le font déjà, mais du travail demeure, et ça passe d’abord par la participation citoyenne dans la vie municipale. Les citoyens se sentent vraiment détachés de la politique municipale, mais c’est le niveau politique qui nous affecte le plus. Il est donc question de se réapproprier la politique municipale et de prendre la peine de participer, car de belles initiatives restent à faire.

G.L. Avant de se laisser, est-ce qu’il y a autre chose que vous souhaiteriez partager avec nos lecteur.trice.s?

A.S.Z.R. Une chose importante pour moi, c’est d’encourager les jeunes, peu importe leur origine ou leur genre, à participer à la politique et à apprivoiser leur ville. Aussi, de dire aux femmes, particulièrement aux avocates issues des minorités visibles, qu’on peut prendre notre place et il faut continuer à travailler pour créer des espaces afin que l’on puisse participer à 100 % dans notre société.

G.L. Merci pour votre temps, Me Zúñiga Ramos.