Le droit municipal – un domaine de droit d’actualité

Le droit municipal est un domaine de droit en perpétuel changement. Les premiers auteurs en droit municipal utilisaient le concept de corporation dans leur définition du droit municipal1. Ce concept a été écarté en 1991 pour les municipalités créées avant cette date par le biais de l’article 275 de la Loi sur l’organisation territoriale municipale2. Les auteurs Jean Hétu et Yvon Duplessis énoncent plutôt que le droit municipal est l’ensemble des « règles de droit relatives aux organismes municipaux, principalement les municipalités3. »

Le droit municipal a des points en commun avec certaines branches du droit public et plus spécifiquement avec le droit administratif4.

LA MUNICIPALITÉ COMME PERSONNE MORALE DE DROIT PUBLIC
La municipalité est une personne morale de droit public qui jouit de la personnalité juridique5 dont l’existence relève des provinces par le biais de l’article 92(8) de la Loi constitutionnelle de 1867 qui porte explicitement sur les institutions municipales. Cette compétence a une large portée et permet aux provinces de faire toutes les opérations qui peuvent être nécessaires ou requises au cours du cycle de vie d’une municipalité6. Cependant, la municipalité n’a aucun statut constitutionnel et elle est constituée « des habitants et des contribuables7 » résidant sur son territoire.

Selon l’article 300 du Code civil du Québec (C.c.Q), les personnes morales de droit public sont d’abord régies par les lois particulières qui les constituent, puis par celles qui leur sont applicables. La ville est une municipalité régie par la Loi sur les cités et villes, tandis que la municipalité est régie par le Code municipal. Une ville est une municipalité moins rurale que les municipalités visées par le Code municipal. Il faut toutefois faire attention, car une municipalité qui est une ville peut ne pas être nommément désignée comme une ville8. Dans tous les cas, il faut consulter le décret de constitution dans la Gazette officielle du Québec pour connaître le nom exact d’une municipalité constituée après le
1er janvier 19899. De surcroît, posséder des pouvoirs similaires à ceux d’une municipalité ne permet pas à une entité d’être une personne morale10.

SOURCES LÉGISLATIVES
Comme dans les autres domaines de droit, le droit municipal est constitué de sources primaires et secondaires qui ont la particularité d’être très variées. Le droit municipal comprend « la constitution, les chartes municipes, les lois municipales ainsi que les lois non spécifiquement municipales et les actes municipaux11 » comme sources primaires. Parmi les sources secondaires, il est possible d’identifier la jurisprudence et la doctrine12.

La constitution fait partie des sources de droit municipal, car il est établi que la Charte canadienne des droits et libertés s’applique aux municipalités13. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec est également contraignante pour les municipalités. De plus, une municipalité jouit du droit à la réputation qui est protégé par l’article quatre de cette dernière charte qui lui confère le droit d’intenter un recours en diffamation14. Certaines grandes villes comme Montréal ont une charte municipale. Les dispositions de cette charte, ou de toute autre charte municipale, priment sur des dispositions contraires de lois plus générales qui énonceraient l’état du droit, n’eut été de dispositions autres contenues dans la charte municipale. La charte municipale de Montréal comprend sept chapitres dont les plus importants portent sur la constitution de la municipalité, son organisation, les compétences et les dispositions financières ainsi que fiscales.

Les lois municipales comprennent entre autres la Loi sur les cités et villes et le Code municipal. Ce sont celles qui visent toutes les municipalités ou une partie d’entre elles. Quant aux lois non municipales, ce sont les lois qui n’ont pas directement été conçues pour s’appliquer aux municipalités, mais qui leur sont tout de même applicables. On peut entre autres penser au C.c.Q. ou au C.p.c15.

ORGANISATION
La structure même de l’organisation municipale au Québec comporte des désignations datant d’une autre époque. Que l’on pense aux termes de cantons ou de paroisses, nous pouvons nous demander comment la terminologie désignant les municipalités dans le domaine du droit municipal a évolué afin de représenter l’organisation municipale actuelle. La municipalité est le niveau de gouvernement le plus proche des habitants de son territoire16. Ses principaux acteurs sont le conseil municipal et le ou la maire.sse. Le conseil d’une municipalité est composé du ou de la maire.sse et de conseiller.ère.s17. Toutefois, ce n’est pas le conseil municipal qui s’exprime par voie de règlements et de résolution, mais bien la municipalité18. Le ou la maire.sse quant à lui ou elle est le chef de l’administration publique de la municipalité et a l’obligation de voir à son bon fonctionnement. Il ou elle a notamment un droit d’investigation, de surveillance et de contrôle19. Chaque compétence provinciale peut être décentralisée vers la municipalité. Bien que cette possibilité soit théoriquement attrayante, les municipalités sont plus promptes à réclamer davantage de revenus pour s’occuper des compétences qu’elles ont en ce moment20.

RESPONSABILITÉ
L’article 1376 du C.c.Q. énonce que « [l]es règles du [livre des obligations] s’appliquent à l’État ainsi qu’à ses organismes et à toute autre personne morale de droit public, sous réserve des autres règles de droit qui leur sont applicables. » Ainsi, les municipalités ne jouissent pas des immunités et des privilèges de la Couronne21. Cela signifie notamment qu’en matière de responsabilité extracontractuelle, les diverses présomptions contenues aux articles 1459 à 1469 C.c.Q. s’appliquent dans le cadre de recours contre la municipalité. Cependant, la municipalité n’est pas l’assureur des habitants et des contribuables. Il faudra tout de même établir sa faute, quoique cette preuve puisse être facilitée à l’aide des différentes présomptions22. Pensons notamment aux présomptions concernant le fait autonome d’un bien ou la ruine d’un immeuble. Les délais ont également des particularités précises en droit municipal qui peuvent grandement influencer le cadre juridique dans le cadre d’un recours contre une municipalité.

LA SPÉCIFICITÉ MUNICIPALE
Le droit municipal est un domaine qui touche des enjeux proches des citoyen.ne.s. Des changements à la mairie ou à la composition du conseil municipal ont bien souvent des effets concrets sur la vie quotidienne. C’est un domaine qui est difficile à présenter adéquatement, car il évolue très rapidement. Toutefois, le nom des municipalités ainsi que l’organisation municipale témoignent de l’histoire du Québec et du Canada. En somme, il y a beaucoup à apprendre en termes de droit municipal et chaque municipalité a ses propres spécificités.

  1. Stéphane BEAULAC (dir.), Jurisclasseur – Droit public – Droit municipal, Lexis Advance Quicklaw, 2013.
  2. Jean HÉTU, Yvon DUPLESSIS et Lise VÉZINA, Droit municipal – principes généraux et contentieux, Brossard, Wolters Kluwer, 2016, p. 1006.
  3. Godbout c. Longueuil (Ville de), [1997] 3 R.C.S. 844, par. 51.
  4. Stéphane BEAULAC (dir.), préc., note 1.
  5. Jean HÉTU, Yvon DUPLESSIS et Lise VÉZINA, préc., note 2, p. 1001.
  6. Stéphane BEAULAC (dir.), préc., note 1.
  7. Id.
  8. Jean HÉTU, Yvon DUPLESSIS et Lise VÉZINA, préc., note 2, p. 1007.
  9. Jean HÉTU, Yvon DUPLESSIS et Lise VÉZINA, préc., note 2, p. 1010.
  10. Corp. de développement Tawich c. Québec (Sous-ministre du revenu), [1997] R.J.Q. 211 (C.Q.).
  11. Stéphane BEAULAC (dir.), préc., note 1.
  12. Id.
  13. Godbout c. Longueuil (Ville de), [1997] 3 R.C.S. 844, par. 51.
  14. Jean HÉTU, Yvon DUPLESSIS et Lise VÉZINA, préc., note 1, p. 1004 à 1015.
  15. Stéphane BEAULAC (dir.), préc., note 1.
  16. Id.
  17. Jean HÉTU, Yvon DUPLESSIS et Lise VÉZINA, préc., note 2, p. 2001.
  18. Jean HÉTU, Yvon DUPLESSIS et Lise VÉZINA, préc., note 2, p. 2004.
  19. Jean HÉTU, Yvon DUPLESSIS et Lise VÉZINA, préc., note 2, p. 2051.
  20. Stéphane BEAULAC (dir.), préc., note 1.
  21. Jean HÉTU, Yvon DUPLESSIS et Lise VÉZINA, préc., note 2, p. 1004.
  22. Stéphane BEAULAC (dir.), préc., note 1.