Le marché immobilier – en hausse constante

Devenu financièrement imprévisible, le marché immobilier a connu une hausse historique au cours de la pandémie de COVID-19. Étant en zone rouge pendant des mois et forcés au confinement, plusieurs sont ceux qui ont décidé de quitter le centre-ville afin de s’installer dans des régions aux abords de Montréal. Grâce au télétravail et n’ayant plus besoin d’aller au bureau, la recherche de plus grand logement a débuté.

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Ce « Boom » immobilier a généré notamment deux problématiques. Premièrement, le prix des matériaux de construction s’est enflammé en raison la forte demande. Considérant cette forte augmentation, certains acheteurs d’une propriété résidentielle neuve se sont vu confrontés à une mauvaise surprise quelques semaines avant la prise de possession de leur nouvelle maison. Deuxièmement, alors que le marché immobilier était déjà particulièrement compétitif, il est devenu encore moins accessible de pouvoir devenir propriétaire.

La SURENCHÈRE en est la cause principale. Certaines propriétés pouvaient se vendre jusqu’à 100 000,00 $ au-dessus du prix demandé représentant, dans certains cas, le double de la valeur foncière de ladite maison. On parle d’une augmentation entre 14 et 24 % du prix, comparativement à l’année 2020, selon le type de propriété1. Afin de rendre leur offre d’achat plus intéressante, certains acheteurs ont même acheté sans procéder à une inspection préachat de la propriété ou même sans garantie légale, à leurs risques et périls.

L’IMPACT DE L’AUGMENTATION DU PRIX DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION SUR L’ACHAT D’UNE MAISON NEUVE
Les mesures sanitaires ayant été mises en place afin de combattre la pandémie de COVID-19 ont créé un ralentissement important dans le rythme de production et de livraison des matériaux de construction. Ce ralentissement est à l’origine même de la flambée des prix des matériaux. La montée instantanée de la demande du bois est une cause majeure expliquant l’augmentation du prix des propriétés résidentielles neuves.

Le 1er avril 2021, l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec [APCHQ] a tenu un Webinaire afin d’expliquer la présente situation du prix du bois à travers l’Amérique du Nord. Monsieur Michel Vincent, un ingénieur forestier et économiste au Conseil de l’industrie forestière du Québec, a détaillé un portrait global du marché de l’offre et la demande pour le bois d’œuvre. À la suite de ses explications, nous comprenons que le confinement obligatoire a fortement contribué à l’ascension fulgurante du prix du bois. N’ayant plus le droit de voyager ou de faire des activités, le budget consacré au divertissement des ménages a été redistribué notamment vers des rénovations et autres travaux au sein de la maison. Forcé de fermer leurs portes afin de pouvoir respecter les mesures sanitaires mises en place, les propriétaires de scieries du Québec ont vu diminuer leurs inventaires à vue d’œil.

De surcroit, les scieries qui sont restées ouvertes étaient incapables de répondre à la forte demande n’ayant plus la main d’œuvre nécessaire pour suivre le rythme de production. En effet, la construction de maisons unifamiliales neuves a connu une forte effervescence considérant que plusieurs ménages habitant dans le centre-ville se sont dirigés vers les banlieues2. Constatant cette forte demande pour le peu d’inventaire disponible, le prix du bois est monté en flèche. Dès lors, devant s’ajuster à cette augmentation, les entrepreneurs avaient deux options : encaisser cette « perte » ou la réclamer aux acheteurs. Certains ont malheureusement abuser de cette situation en tentant de soutirer des milliers de dollars aux futurs propriétaires.

L’Association consommateurs pour la qualité dans la construction [ACQC], en reprenant leurs propres termes, s’est vu être inondée par des appels de plaintes d’acheteurs d’une propriété résidentielle neuve. Malgré une entente contractuelle signée entre les parties, les acheteurs rapportent à l’ACQC que les entrepreneurs modifiaient leur prix à la hausse en justifiant cette augmentation par la flambée du prix des matériaux de construction. Généralement, les réclamations représentent des dizaines de milliers de dollars que l’acheteur doit débourser en sus  de ce qui avait été préalablement convenu. L’achat d’une maison neuve, représentant le point culminant d’une vie de travail et d’économies, se transformait en une expérience cauchemardesque pour certains acheteurs3.

Se tourner vers les tribunaux pourrait être une option pour un acheteur faisant face à une telle situation. Cependant, les délais et les frais onéreux de notre système de justice ne sont pas avantageux puisqu’au moment de procéder à l’achat d’une maison, on souhaite généralement en prendre possession le plus rapidement possible. Rare sont ceux qui sont prêts à s’engager dans un longue et coûteuse bataille judiciaire contre l’entrepreneur. La majorité va plutôt décider de payer la hausse demandée afin de pouvoir prendre possession de leur nouvelle propriété.

Un important vide juridique quant à la protection du consommateur lors de l’achat d’une maison neuve peut être constaté. Sous un autre angle juridique, l’article 2109 du Code civil du Québec4 pourrait être invoqué. En effet, si un prix était déjà convenu, l’entrepreneur ne peut pas unilatéralement modifier un prix forfaitaire ayant déjà été approuvé par l’acheteur. Cependant, si l’entrepreneur a eu le reflex d’insérer une disposition spécifique à cet effet, soit une clause portant expressément sur l’augmentation des prix de matériaux de construction, ce dernier pourra réclamer la différence de prix.

LA SURENCHÈRE
Avec l’arrivée en force du télétravail, plusieurs ménages ont décidé de déserter le centre-ville de Montréal afin d’aller s’installer dans des régions voisines, où l’on y retrouve généralement des logements offrant plus d’espace à moindre coût. Considérant la forte demande, la surenchère est rapidement entrée en jeu. En moyenne, nous pouvons observer des offres allant entre 10 et 15 % au-dessus du prix demandé par le vendeur5. L’agressivité du marché actuel pousse certains acheteurs à acheter sans garantie légale, soit à leurs risques et périls. Cette tendance dangereuse représente un énorme risque pour l’acheteur. Il n’est pas rare non plus de voir des offres d’achat délaissant les conditions d’inspection afin d’avoir l’offre la plus intéressante pour le vendeur. Est-ce vraiment la bonne solution? Il s’agit d’un pari audacieux et hautement risqué puisqu’il est impossible de connaître les défauts du bâtiment. À court et à long terme, nous nous croisons les doigts pour ne rien découvrir de trop alarmant et dispendieux.

Bref, l’accès à la propriété est de plus en plus restreint dans ce marché particulièrement compétitif. N’ayant pas de protection spécifique pour les acheteurs d’une propriété résidentielle neuve, le législateur pourrait éventuellement se pencher sur cette question afin d’éviter et de contrôler les abus et les hausses de prix déraisonnables.

  1. Les affaires – JLR, « Immobilier résidentiel: mai a été un autre mois à l’avantage des vendeurs», Les affaires, 14 juin 2021, [en ligne :] https://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/immobilier/immobilier-residentiel-mai-un-autre-mois-a-l-avantage-des-vendeurs/625530.
  2. Paul Cardinal, « Prix du bois d’œuvre : état de la situation et perspectives », Québec habitation : La référence de l’industrie, 7 avril 2021, [en ligne :] https://www.quebechabitation.ca/actualites/prix-du-bois-doeuvre-etat-de-la-situation-et-perspectives/.
  3. Marc-André HARNOIS, « Hausses de prix et résiliations illégales dans l’habitation neuve », Association des consommateurs pour la qualité dans la construction, 31 mars 2021, [en ligne :] https://acqc.ca/fr/actualite/hausses-de-prix-et-r%C3%A9siliations-ill%C3%A9gales-dans-l%E2%80%99habitation-neuve. 
  4. Code civil du Québec, c CCQ-1991, art 2109.
  5. Olivia GÉLINAS, Clémence PAVIC et Roxanne LÉOUZON, « Un boom immobilier généralisé », 20 avril 2021, [en ligne :] https://www.ledevoir.com/documents/special/04-21-immobilier/index.html