La santé mentale et le droit : qu’en est-il?

La santé mentale a toujours été un enjeu sociétal majeur. Dans les dernières années, la société québécoise a accordé de plus en plus d’importance à cette réalité grâce à de nombreuses initiatives, que cela soit par le biais du Jeune Barreau de Montréal ou d’entreprises privées.

Nous pouvons avoir de nombreuses questions en lien avec la santé mentale, particulièrement dans les cas les plus extrêmes. Par exemple, que se passe-t-il quand quelqu’un ne consent pas à des soins médicaux dans une situation de santé mentale? Qu’arrive-t-il si une personne devient un danger pour elle-même ou pour autrui en raison d’un problème de santé mentale?

Cette édition de l’ExtraJudiciaire aborde la santé mentale sous plusieurs angles, nous vous invitons donc à regarder quelques réalités juridiques en lien avec celle-ci.

1. LES SOINS
Un adulte a normalement le droit de consentir aux traitements médicaux ou de les refuser1. Ainsi, un médecin ne peut généralement pas imposer à quelqu’un un examen, un prélèvement, un traitement ou toute autre intervention médicale2.

Toutefois, il existe des situations où un soin peut être imposé, notamment dans le domaine de la santé mentale. Par exemple, un médecin pourrait imposer un traitement médical dans un cas d’urgence3.

Dans d’autres situations, une demande doit être faite à la Cour supérieure pour obtenir ce que l’on appelle une ordonnance de traitement. Cette ordonnance permet à un médecin d’imposer un soin à un patient.

Par exemple, un établissement de santé peut demander à la Cour supérieure d’ordonner à un patient de prendre des médicaments pour un trouble de santé mentale4. Toutefois, le patient doit refuser catégoriquement les soins proposés par le médecin5.

1. LA GARDE EN ÉTABLISSEMENT
La garde en établissement se produit lorsqu’une personne est gardée dans un établissement de santé et de services sociaux sans son consentement6. Cette garde est imposée parce que la personne représente un danger pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental7.

Il existe trois formes différentes de garde en établissement :

2.1 La garde préventive
La garde préventive désigne la garde d’une personne en établissement sans l’autorisation d’un juge8. C’est un médecin qui autorise cette garde. Pour cela, le médecin doit juger que la personne représente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental9.

La garde préventive peut durer jusqu’à 72 heures, après quoi la personne doit être libérée à moins qu’un juge ordonne que la garde soit prolongée pour une évaluation psychiatrique10.

2.2 La garde provisoire
La garde provisoire survient lorsqu’un tribunal ordonne qu’une personne soit gardée en établissement le temps qu’elle reçoive une évaluation psychiatrique11. La personne doit représenter un danger pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental12.

L’origine de cette demande peut provenir d’un médecin ou d’une personne intéressée, comme un membre de sa famille13.

Si le tribunal ordonne que la personne soit gardée en établissement, les démarches suivantes doivent être réalisées:

  • un médecin doit faire la première évaluation psychiatrique dans les 24 heures suivant sa prise en charge par l’établissement14. Si la personne est déjà sous garde préventive, l’évaluation doit avoir lieu dans les 24 heures de l’ordonnance du tribunal15; et
  • si le premier médecin juge que la garde est encore nécessaire, un autre médecin fera une seconde évaluation psychiatrique. Cette évaluation doit avoir lieu au plus tard 96 heures après sa prise en charge par l’établissement16. Si la personne est déjà sous garde préventive, l’évaluation doit avoir lieu dans les 48 heures de l’ordonnance17.

Bien entendu, la personne doit être libérée si l’un des médecins juge que la garde n’est pas nécessaire18.

En revanche, l’établissement a 48 heures pour demander au tribunal la garde autorisée si les deux médecins jugent que la personne doit rester en garde provisoire19. La personne doit être libérée après cette période de 48 heures si l’établissement ne fait pas la demande.

2.3 La garde autorisée
À la fin de la garde provisoire, la garde autorisée peut être ordonnée. Cette garde est lorsqu’un tribunal ordonne qu’une personne soit gardée en établissement à la suite de deux évaluations psychiatriques qui concluent à la nécessité d’une telle garde20. Le tribunal doit avoir des motifs sérieux de croire que la personne est dangereuse et que sa garde est nécessaire21.

Dans son jugement, le tribunal détermine la durée de la garde en établissement22. La personne doit toutefois être libérée avant la fin de la période dès que la garde n’est plus nécessaire23. De plus, une nouvelle ordonnance du tribunal est également nécessaire pour prolonger la garde après la durée initialement prévue24.

3. CONCLUSION
Ce texte a fourni un simple résumé de certaines réalités juridiques liées à la santé mentale. Nous avons particulièrement vu comment la garde ou les soins peuvent être imposés dans le cadre d’une situation de troubles de santé mentale.

Il faut toutefois dire que ce texte traite des cas plutôt extrêmes et ne donne pas une image complète du droit en lien avec la santé mentale. Ayant ceci à l’esprit, il est le souhait de cet auteur d’explorer d’autres facettes du droit en lien avec la santé mentale avec des éditions à venir.

  1. Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, art. 1 [Charte québécoise]; Code civil du Québec, RLRQ, c C-1991, arts 10-11.
  2. Code civil du Québec, supra note 1, art. 11.
  3. Ibid., art. 16, al 1; Charte québécoise, supra note 1, art. 2.
  4. Code civil du Québec, supra note 1, art. 16, al 1; Voir notamment M. B. c. Centre hospitalier Pierre-le-Gardeur, 2004 CanLII 29017 (QC CA), aux para 63 à 65.
  5. Ibid.
  6. Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art. 27; Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, RLRQ c P-38.001, art. 1 [Loi sur la protection].
  7. Ibid.
  8. Ibid, art. 27 (2); Loi sur la protection, supra note 1, art. 7.
  9. Code civil du Québec, supra note 1, art. 27 (2); Loi sur la protection, supra note 3, art. 7.
  10. Loi sur la protection, supra note 1, art. 7.
  11. Code civil du Québec, supra note 1, art. 27, al 1;
    Loi sur la protection, supra note 3, art. 7, al 3.
  12. Loi sur la protection, supra note 1, arts. 1, 7, al 3.
  13. Code civil du Québec, supra note 1, art. 27, al 2.
  14. Ibid, art. 28, al 1).
  15. Ibid.
  16. Ibid, art. 28 (2).
  17. Ibid.
  18. Ibid, arts. 28, al 3.
  19. Ibid, arts. 28, al 3, 30.
  20. Ibid, art. 30, al 1.
  21. Ibid, art. 30, al 2.
  22. Ibid, art. 30.1, al 1.
  23. Ibid, art. 30.1, al 2.
  24. Ibid, art. 30.1, al 3.

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3.Maladie mentale et aide médicale à mourir, Jean-Pierre Ménard, 2021

4. Les troubles mentaux dans le cadre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (« LSJPA »), Richard D. Schneider, 2021

5. Santé mentale et psychopathologie : une approche biopsychosociale, Martin Benny, 2021

6. Santé mentale au travail : l’échec du droit à épouser une approche systémique, Annick Desjardins et Céline Giguère, 2013

7. La protection juridique des droits fondamentaux et de la santé mentale au travail, Isabelle Aubé, 2012

8. Le droit à la protection de la santé mentale au travail, Anne-Marie Laflamme, 2008

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